Les enjeux du livre écoconçu
Dans la filière du livre, l’écoconception est la conception d’un objet qui minimise au maximum ses impacts écologiques. On parle de minimisation puisque toutes les fabrications ont un impact sur le vivant et l’environnement.
L'écoconception du livre relève de l'écologie matérielle. Comme le mentionne l’Association pour l’écologie du livre, « Le livre est un objet manufacturé. En cela, il a une matérialité (du papier, de l’encre, une reliure, une couverture souvent pelliculée) qui soulève de nombreux enjeux d’approvisionnement et de circulation : comment le livre est-il produit ? »
Plusieurs facteurs entrent ici en jeu : la fabrication/production, le transport, l’énergie et le cycle de vie du livre.
Avec 190 nouveautés en moyenne par jour, la production massive de livre est majoritairement pointée du doigt lorsque l’on parle d’impact écologique dans l’écosystème du livre.
De nombreuses maisons d’édition régionales (Bouclard, La Cabane Bleue, PourPenser ou La Mer Salée) s'essaient à trouver des alternatives : imprimer en tirages limités ou limiter le nombre de publications annuelles. Les éditions L’Exemplaire fabrique seulement les ouvrages pré-commandés par les futur.e.s lecteur.ice.s et permet ainsi une juste rémunération aux auteur.ice.s.
Pour la fabrication des livres, de nombreuses idées de mutualisation ont émergé chez les éditions PourPenser, Adabam, Bouclard ou encore La Cabane Bleue avec l'impression en amalgame. La Cabane bleue imprime toujours ses livres sur les mêmes formats, elle les optimise pour qu’il puisse entrer sur une même feuille d’impression.
D’autres initiatives sont étonnantes et vont au-delà de cette fabrication manufacturée, celle de La Marge qui fait ses couvertures avec des cartons glanés et hors région, les éditions 205 qui impriment sur des chutes de papier.
Le magazine Plum a souhaité maîtriser totalement les composants de ses encres et la matière de son papier en utilisant respectivement, celles à base d’algue et de cabosses de cacao. La Mer Salée expérimente aussi l’impression sur du papier teinté plutôt que de passer par un encrage intégral de la couverture.
La manière de fabriquer le livre et les matériaux utilisés auront un impact sur la durée même du livre, son écologie est aussi à penser en fonction d’une balance matériaux-résistance dans le temps notamment pour les usages en bibliothèque. Penser l'écoconception au démarrage d'un projet éditorial et à ses différentes vies permettra d’éviter la fabrication de livre-déchet.
Les bibliothèques Condorcet à Bouguenais, des Beaux-Arts Nantes-Saint-Nazaire, la Bibliothèque départementale de prêt de Loire-Atlantique ainsi que celle de l'UCO à Angers réfléchissent à l'équipement ou non de leurs livres, vaste question dont la réponse n'est pas toujours uniforme. Cette décision d'équiper les documents sera variable en fonction des publics, de l'habitude, du type d'usager.ères, des matériaux du livre, de leur durée de vie présupposée, des lieux de vies de ces livres (atelier, chambre, bureau, transport en commun...), taux de rotation, péremption matérielle ou intellectuelle, lieu d'exposition du livre, format de livre... Si le choix de l'équipement continue de se faire partiellement ou totalement, la question sera celle de l'alternative au plastique qui n'a pas encore trouvé réellement de réponse jusqu'alors.
Certaines bibliothèques de la région font appel à l'association Nantes Ecologie l'Air livre - structure de l'ESS - pour l'équipement de leurs documents.
L’impression en France apparaît comme une nécessité lorsque l’on repense cet écosystème du livre, un choix partagé par beaucoup de maisons d’édition ligériennes qui ont même été jusqu’à limiter le kilométrage entre le siège social et le choix de l'imprimeur comme La Mer Salée, Rouquemoute, PourPenser ou La Cabane Bleue.
Il serait intéressant de calculer le kilométrage moyen d’un livre – l'origine de la forêt, la transformation en pâte à papier puis en papier, l'impression, le stockage et la diffusion dans les multiples canaux de vente, les retours, le réemploi et le pilon pour recyclage – pour en connaître le coût carbone. pour sa création en papier qui passera dans les rouleaux d’une imprimerie afin d’être stocké chez le distributeur. Le livre vit une vie de voyageur, bien souvent emballé dans un carton sans voir la lumière du jour....
Toutes ces étapes se font en transport carboné. La cyclologistique apparaît ici comme une initiative. Sa réalité en est toutefois plus simple en centre-ville : les éditions 303 à Nantes, la bibliothèque municipale d’Angers, les librairies complices à Nantes ou certaines librairies ambulantes ont fait le choix d’opter pour ce mode de mobilité douce.
Une autre solution passe par la limitation des intermédiaires dans l'écosystème du livre en privilégiant par exemple les achats de livres par des bibliothèques dans les librairies locales (par lots via des marchés publics avec ou sans mise en concurrence).
Lors de ces différentes rencontres, une inquiétude revient souvent quand on parle d'écoconception liée à l'actualité géopolitique liée à l'augmentation du prix d'achat du papier.
Certaines maisons d'édition, comme La Mer Salée, PourPenser ou La Cabane Bleue ont fait le choix de l'achat groupé de papier sous réserve d'avoir les mêmes besoins.
Les questions énergétiques sont très importantes et inhérentes à ce questionnement autour de la conception, le ShiftProject en parle très bien dans son dossier sur la décarbonation de la culture.
Il serait utile d'intégrer à l'analyse de cycle de vie du livre son impact social et environnemental pour voir un peu plus large que le bilan carbone, certes tangible mais insuffisant.
Par ailleurs, les librairies et les bibliothèques peuvent s’emparer de cet enjeu écologique en privilégiant des livres écoconçus afin d'éviter d'autres modes de production et de destruction néfastes pour l'environnement.
Les lieux du livre, médiathèques ou librairies, réfléchissent aussi la matérialité des espaces. Le choix de construire des bâtiment moins énergivores comme la médiathèque des Sorinières ou de La Canopée à Paris est essentiel. La Bibliothèque universitaire de La Roche-sur-Yon et La Canopée orientent notamment leur commande de mobilier durable via la seconde main.
Les libraires de l’Embarcadère à Saint-Nazaire, Myriagone à Angers ou l’Embellie à la Bernerie ont aussi repensé leur lieu dans une démarche de conception particulière (occasion, ameublement écoconçu, travail avec des associations locales...). Pour les fêtes, la librairie L'Embarcadère repense son mode d'emballage de papier cadeaux en récupérant des vieilles affiches ou les dernières PLV qu'elle reçoit encore.
L'Association pour l'écologie du livre a sorti sa première gazette qui traite de la première étape de la conception du livre ; le papier.
Pour tout partage d'expérience en lien avec l'écoconception, n'hésitez pas à contacter Mélanie Cronier : melanie.cronier@mobilis-paysdelaloire.fr
Pour aller plus loin :
- Association pour l'écologie du livre : « Gazette numéro 0 « Le papier déchaîné »
- Syndicat de la librairie française : Ressources
- Livreshebdo : « Quand le livre voit vert »
- Charte des auteur.ices jeunesse : « Mes livres mettent-ils la planète en danger ? »
- Région Grand-Est : Etude portant sur l’impact de la filière livre en Grand-Est sur l’environnement
- AOC Média : « Ni grandeur ni déclin : penser l’avenir du livre papier »
- The Shift Project : « Décarbonons la culture ! »
- BASIC : « De l’impression à la vente des livres »
– BASIC : « Un livre français / évolutions et impacts de l'édition en France »
- WWF : « les livres de la jungle : l’édition jeunesse abîme-t-elle les forêts ? »
- WWF : « Vers une économie plus circulaire dans le livre ? »
- WWF : « L’écologie du livre à l’école »
- WWF : « Classification des papiers graphiques vendus en France suivant leurs garanties environnementales »