[Retour sur] #7 - Les lieux du livre

Publié le 22/07/2024 par Mélanie Cronier
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Les "Lieux du livre" du 21 mars 2024 - webinaire organisé par Normandie Livre et Lecture (N2L) ainsi que Mobilis, dans le cadre du programme "Écologie du livre en régions "

Depuis 2023, un groupe interrégional qui regroupe les différentes structures du livre et de la lecture, l'Association pour l'écologie du livre et la FILL (Fédération interrégionale du livre et de la lecture) s'est mis en place pour réfléchir ensemble aux questions d'écologie du livre et de la lecture. 

Après une introduction de Marion Cazy de N2L et de Mélanie Cronier de Mobilis, divers.es intervenant.es du monde du livre et de la lecture sont venu.es partager leur expérience : Benjamin Reverdy pour Sans-Shérif, Nolwenn Gandon pour La Petite Gare, Annie-Rose Pichon pour la bibliothèque Caen la mer et Florian Torrès des éditions du Typhon.

Aujourd'hui, le livre s'accomplit dans des lieux bien définis et reconnus tels que les maisons d'éditions, les librairies, les bibliothèques ou les manifestations littéraires et lieux de résidence. Les lieux du livre sont vivants et au gré de mutations écologiques et culturelles, de nouvelles manières de faire, d'imaginer des lieux multiples ont émergés. Les livres poussent les murs pour transformer des bibliothèques, des librairies ou réinventer d'autres lieux synonymes de coopérations, de partage, de médiation, de spectacles... 

Ces différents lieux dans leur essence même permettent de nous rendre compte de l'écosystème du livre dans sa multiplicité, ils sont parfois centraux pour un bon nombre d'acteur.ices du monde du livre et de la lecture. 

Ces lieux du livre permettent aussi à celles et ceux qui les occupent de s'en imprégner et de participer à leur construction. Que ces lieux vivent dans des zones rurales ou urbaines, la bibliothèque comme la librairie n'auront pas le même rôle ou la même présence. 

Le travail porté par Mobilis et N2L autour des questions d'écologie du livre nous amène aujourd'hui à penser que la mise en place de nouveaux lieux du livre peut être une autre des réponses possibles pour faire face aux difficultés de coopération et d'interconnaissance présentes dans l'écosystème du livre. 
 

Recueil des récits de professionne.les qui, tout comme de nombreux.ses autres, imaginent, expérimentent et créent d'autres façons de faire. 

Des acteur.ices du livre se sentent animer par le souhait de faire vivre des lieux différents, modèles de coopération, d'échange, d'interconnaissance dans l'écosystème du livre.

Sans-Shérif 

Dans le monde du livre et de la lecture à Nantes, l'idée de pouvoir créer un endroit de réunion entre plusieurs métiers du livre est devenue assez évidente. Sans-Shérif est peuplé d'un bon nombre de ces professions et permet de fonctionner en circuit presque complètement court sur divers projets. C'est aussi un bon moyen de se rendre compte de l'étendu de ces métiers et de leurs spécificités. Benjamin Reverdy qui est coworker à Sans Shérif depuis son ouverture et qui travaille pour Yokna (agence de design) et Bouclard (maison d’édition) présente la structure. 

Le lieu qui se niche dans un vieil immeuble, dans une petite rue de Nantes, à quelques pas du quartier Joffre est un espace singulier qui a vu le jour en 2016, après la création de son association du même nom. C'est à la base un atelier médical qui a été transformé en atelier artistique. Benjamin nous emmène - avec la caméra de son ordinateur - faire une visite à 360° de cet endroit. 

De nombreux métiers du livre - et de l'écrit sont représentés : éditeur.ices, paper designer, graphistes, journalistes, correcteur.ices, dessinateur.ices, auteur.ice, iconographes, coordinateur.ices d'associations en lien avec le livre (Alip) … L'organisation se fait dans un esprit collectif et une certaine autonomie avec un pot commun pour auto-gérer le lieu "comme dans une coloc" - avec des tours de ménage. Lorsqu'une place se libère (ce qui est rare), il est possible de rejoindre les bureaux moyennant un tarif mensuel avec la possibilité d'avoir un espace-bureau. Beaucoup de moments informels se créent dans cet espace : soirées conviviales, week-end de travail à la campagne, échanges, entraides, surtout beaucoup de croisements et de collaborations entre les personnes, ce qui ouvre encore plus le champ de l'expérimentation et de la coopération. 

"Allier l'édition, l'utile et l'agréable" 

Avec ce nom à résonance typographique, il est aussi question d'un lieu qui se gère sans chef.fe. Un lieu de relations, de connexions, de mise en réseau.x où se côtoient l'interpersonnel et le professionnel. 

 

Les bibliothèques ont depuis longtemps commencé à engranger une mini-révolution - de part les actions qu'elles mènent - mais aussi par leur position géographique. Elles font parties d'une localité, de sensibilités territoriales, d'un maillage d'acteur.ices qui leur permet d'être au plus proche de leurs usager.ères. Finalement; le livre n'est parfois qu'un prétexte. Son utilité réside dans son usage. 

 

Bibliothèque de Caen la mer 

Annie-Rose Pichonnier, responsable des actions au public pour la bibliothèque d'Hérouville-Saint-Clair dans le Calvados présente les réflexions autour de la question de la bibliothèque comme lieu du livre multiple. Elle est accompagnée de Florian Torrès des éditions du Typhon à Marseille qui est en résidence d'éditeur au sein de la bibliothèque. 

Partir du constat que la bibliothèque "n'est pas que de la littérature", réévaluer la politique d'actions culturelles en limitant les rencontres d'auteur.ices et re.configurer la bibliothèque comme un tiers-lieu. Il s'agit d'imaginer des actions interprofessionnelles qui puissent montrer la diversité de l'écosystème du livre et de la lecture auprès du grand public - et permettre une interconnaissance des différents métiers dont celui d'éditeur.ice. 

Après une première résidence avec les éditions Bruno Doucet et des retours positifs - augmentation des emprunts d'ouvrages de poésie (alors que le fonds poésie n'est pas l'un des plus rotatif dans les bibliothèques), fidélisation d'usager.ères lors des ateliers, carte blanche laissée à la structure éditoriale, l'évidence a été de réitérer l'expérience avec une autre maison et un autre univers. 

Les éditions du Typhon ont axé cette résidence en mettant en avant une de leur collection, en proposant des actions de collégialité avec des traducteur.ices, des auteur.ices qui éclairent certaines collections de la maison. Ce travail s'articule sur un temps long afin de "casser la folle temporalité de la suproduction" : programmation à l'année et à destination d'une myriade de publics. 

Pour la bibliothèque, il est aussi question de faire vivre un livre qui n'aurait pas réellement vécu, le faire résider d'une autre manière et pas seulement au travers des nouveautés, de cultiver le fonds. 

Au-delà d'être un objet culturel, le livre est un univers, il permet de déplier tout un monde parsemé d'expositions, de penser toute une saison au travers du conte, de travailler avec divers publics (quartier, scolaires, étudiant.es) et récolter les contes des habitant.es. La résidence se nourrit de toutes ces interactions qui viennent à leur tour enrichir la bibliothèque. La résidence permet de créer des ponts avec d'autres secteurs culturels tels que le spectacle vivant, notamment avec le livre "Chien noir" ed.Typhon, écrit par une autrice normande ainsi qu'avec un cinéma d'art et d'essai. 

Cette résidence créée aussi des passerelles avec les autres métiers du livre tels que les librairies. Parmi ses autres "effets d'inattendus", elle permet de soulever d'autres sujets qui n'était pas forcément énoncé dés le départ comme la fracture numérique de certains publics. Elle s'entremêle et s'imagine dans un format qui est adapté au maillage territorial sur lequel elle est implantée. Lieu cohérent au fort tissu associatif de la zone géographique d’Hérouville Saint-Clair qui facilite le tissage de liens avec des assos/acteurices culurel.les. 

Pour le côté matériel, la bibliothèque d'Hérouville bénéficie de financements qui émanent de la DRAC et son budget propre mais ici encore, il serait intéressant d'imaginer un coportage financier directement avec la maison d'édition. 

 

Certaines librairies ne sont pas en reste et essayent d'imaginer de nouveaux usages, de nouvelles relations aux livres et aux lecteur.ices, un nouvel espace de discussions. Certaines librairies deviennent des lieux où les associations locales, d'autres formes d'art peuvent aussi s'exprimer, se côtoyer et se rencontrer. Le livre étant à lui tout seul un point à la jonction de différents mouvements artistiques ou sociaux. 

 

La Petite Gare

Pour Nolwenn de La Petite Gare à Rezé, le sujet est la réinvention d'un lieu au-delà de la librairie avec les habitant.es du quartier et l'espace de co-working. De nombreuses ramifications imaginables et locales sont en réflexion ou en expérimentation. 

Ouvert il y a tout juste un an suit à un appel à projet porté par la SNCF, la librairie est littéralement localisée dans une ancienne gare. L'essence de cette petite gare résonne avec l'envie d'en faire un "tiers-lieu culturel" composé de la librairie au rez-de-chaussée et d'un espace de co-working composé de métiers de l'art et la culture à l'étage. Une association qui regroupe ces deux espaces a alors été créée en s'inspirant de "Sans-Shérif" (précédemment cité). 
 

L'espace de co-working regroupe une vingtaine de bureaux (calmes et moins calmes en fonction des besoins) où 25 personnes y travaillent, toustes issu.es du secteur culturel : journaliste, spectacle vivant, auteur.ice, traducteur.ice... L'idée est que les personnes restent six mois minimum afin d'assurer une temporalité qui permette de créer un collectif, véritable ciment. Ce mélange permet d'échanger sur des sujets qui semblent éloignés d'un secteur à l'autre mais qui sont finalement semblables (exemple : la diffusion dans le spectacle vivant et le livre). Cet endroit se positionne donc comme une passerelle. Une autre perspective est de créer une programmation commune de "La Petite Gare", celle de la librairie essaie d'intégrer les acteur.ices de l'étage, en fonction des personnes et des affinités - ici encore, la question du circuit-court est transversale. 

Au regard de "Sans-Shérif", la gestion du lieu se fait en commission (ménage, travaux, programmation commune...). Il n'y a pas de chef.fe(s), les prises de décisions se font en commun pour les gros sujets avec parfois une inertie inhérente aux personnes de groupe qui ne sont pas tout le temps présentes. C'est une co-construction qui comme toutes les formes de coopération se conçoit sur un temps long. 

"Ce lieu du livre, c'est tous les jours qu'il vit"

Avec un soutien de la ville de Rezé qui a appuyé cette création, l’ambition a été de créer du lien avec les habitant.es dans un lieu mis en mouvement dans une localité précise (Rezé avec un fort tissu associatif) : scolaires, médiathèque Diderot (ressemblance avec la librairie), salle de spectacle La Soufflerie, cinéma Saint-Paul, maison de retraite - d'amener la librairie hors les murs. 

"A la croisée des trams et des trains

 

Les ponts à imaginer sont donc multiples. 

Si vous souhaitez avoir certains supports projetés lors de la journée et pour toute autre question ou partage d'initiatives, n'hésitez pas à contacter Mélanie Cronier, melanie.cronier@mobilis-paysdelaloire.fr

 

Pour aller plus loin :