Hublots de John Taylor, avec les peintures de Caroline François-Rubino, recueil bilingue qui nous rappelle que “le hublot est aussi fenêtre sur notre océan intérieur”. Lecture de Claire-Neige Jaunet.
Hublots: petites fenêtres destinées à laisser voir l'extérieur... et titre d'un ouvrage original qui offre côte à côte les poèmes en anglais de John Taylor et leur traduction par Françoise Daviet, deux voix complices dialoguant elles-mêmes avec les peintures de Caroline François-Rubino mises en regard.
De prime abord, on est séduit par la beauté de l'objet: deux cahiers insérés dans une pochette, où l'œil voyage entre l'ordonnance élégante des strophes et les paysages marins découpés par des hublots.
Puis on s'aventure dans le texte, et les deux langues en présence forment, plus qu'une traduction, un duo. Le passage de l'une à l'autre nous installe dans une mouvance comparable à celle de l'eau, au sein de laquelle le hublot est une armature fixe, "la dernière forme qui reste / the last remaining form". Et c'est bien l'impression que communiquent les illustrations : au sein de la page blanche se tient, telle une planète dans l'espace sidéral, un lieu organisé dont la couleur peut changer mais non la rotondité. Le hublot est le point de passage ("through the portholes") entre ce qui est "de ce côté / on this side") et ce qui se voit ou s'entend "de l'autre côté / on that side".
Au début du texte, ce qui est de cet autre côté, c'est l'ombre crépusculaire grandissante, et elle conduit au cœur de la nuit profonde ("dark blue night"), là où habitent ensemble les "lignes brumeuses de la matière / hazy lines of matter" et la "délicatesse de brume imaginée / imagined delicacy of haze", là où l'on entre dans l'univers peuplé d'inconnu et d'îles non localisables, surgi d'une eau devenue écriture ("lines scribbled with water on water").
Car le hublot est aussi fenêtre sur notre océan intérieur. Tout ce qu'il permet de percevoir peut devenir symbole : l'ombre et la lumière, le crépuscule et l'aurore, le soleil qu'il faut mettre "au centre du hublot", les éraflures du sable et du sel sur la vitre, ou encore les bourrasques et la mer agitée "de l'autre côté" comme "de ce côté", images du péril de toute traversée ("never a sea crossing without peril").
Le hublot, c'est aussi une invitation à tenter l'impossible, comme "faire la quadrature du cercle", ou cercler de bleu "ce qui est un vide blanc / rimming tingeing the blankness blue"... La tentation est grande d'"ouvrir le hublot", et de chercher "ce qui pourrait s'unir / what could coalesce", quand le "cercle du pourtour n'encercle plus / circular rim unrim"...
Hublots / Portholes, de John Taylor, peintures de Caroline François-Rubino, traduction de Françoise Daviet, Éditions L’Œil ébloui, 32 pp., 13€, ISBN: 978-2-954 1 432-6-2.