🚨 Culture en Crise 🚨

Souffler sur le vent, de Albane Gellé

Publié le 09/10/2015 par Claire-Neige Jaunet
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Albane Gellé : un souffle poétique

Le titre du dernier ouvrage d'Albane Gellé, paru aux éditions La Dragonne, interroge : Souffler sur le vent. Comme on souffle sur une flamme pour l'éteindre ? Oui, si le vent est la langue des “aplatisseurs de verbes et des incolores”. Mais non quand il porte avec force les paroles du monde.

Souffler sur le vent comme on souffle sur une flamme pour la ranimer, lui insuffler un regain de vie ? Le “poème-territoire” d'Albane Gellé cherche en effet à “traduire ce qui arrive en face et à tisser les sens avec les sons” ; il est fait des petits riens domestiques (la plante qu'on ne sait où poser, le lait sur le feu qu'il faut surveiller...) et des petits riens de la vie quotidienne (une écharpe oubliée sur un banc, le bruit d'un moteur, la piqûre du moustique qu'on gratte, les lunettes perdues...). “Tout ça n'a pas la grande ampleur de l'océan”, et pourtant, c'est avec tout ça qu'Albane Gellé “débroussaille” son jardin intime, réveille la mémoire, et exprime sa volonté de “chaque jour faire la fête à nos amours”.

Souffler sur le vent pour se fondre en lui ? Comme on souffle des bulles de savon, ou à la manière des parfums - lavande, glycine, chèvrefeuille... ? Albane Gellé choisit “des gestes de grand air” et regarde avec des yeux qui “écrasent les distances jusqu'aux planètes”. Elle donne libre cours à ses “explosions intérieures” et laisse circuler librement tous les souffles de la vie.

Mais on ne peut souffler qu'après avoir inspiré :

“Le monde rentre dans mes poumons, dans mes oreilles et dans ma peau.”

Comme le vent, le monde est “en face, tout autour, dessus ma tête et sous mes pieds, dedans et à l'intérieur, il passe partout”, comme l'air que nous respirons et qui nous garde vivant. Elle écoute “les mots du monde souffler sens et sons”. Il s'agit de “tenir registre” de tout ce qui est humé, touché, désiré, questionné, contemplé : les paysages, la Loire, les fleurs, les oiseaux, les saisons, nos gestes, et même les paroles d'autres artistes... Accueillir, contempler, “chercher des boussoles : sa respiration” est faite de ces temps où le monde entre en elle, tel qu'il est, et de ces temps où, selon son expression, elle “vide les salles d'attente” avec ses mots et ses phrases.

Souffler sur le vent : aller chercher ce que le vent a déposé dans les recoins anodins et le libérer ; ce faisant, alléger le “poids du monde” en lui donnant, paradoxalement, plus de densité.
               
Souffler sur le vent, Éditions La Dragonne, 80 pp., 13,50€, ISBN : 2913465927