Pelotes, Averses, Miroirs, de l’écrivaine Albane Gellé et l’artiste Patricia Cartereau. Deux sensibilités en regard, toutes deux à l'affût de la vie qui se déploie à l'extérieur. Lecture de Claire-Neige Jaunet.
Albane Gellé dit trouver ses mots (ces mots qui sont "comme des petits cailloux" grâce auxquels on ne peut pas se perdre...) n'importe où : dans les paysages, dans les livres, dans les émotions... Patricia Cartereau, quant à elle, considère que le paysage, où dialoguent traces et "éléments intimes et imaginaires", est au centre de son travail. Leur rencontre dans l'élaboration du recueil Pelotes, Averses, Miroirs n'a donc rien de fortuit, l'une se mettant à l'écoute des "directions" inattendues qu'offrent les mots, l'autre se fiant à la marche et à la contemplation "pour appeler les images".
À elles deux elles enroulent des pelotes de vie. Les mots d'Albane Gellé convoquent tous les règnes et tous les éléments : le végétal, le monde animal, les signes humains, l'eau, l'air, la terre, la lumière... à la recherche des "petits fils de nos pelotes" et des chemins qui conduisent là où l'œil peut "se faufiler" – là où se faufile l'œil de Patricia Cartereau saisissant des mains, des pieds, des jambes, des oiseaux, des museaux, des silhouettes, des carnations roses, des envols, des pas, des taches de vie qui tantôt se contractent tantôt coulent ou se dilatent.
À elles deux elles déclenchent des averses de rêves. Ici, des pieds flottent tout en haut de la page, car "il pleut des jambes"; là, pieds et sabots prolongent la même jambe, car "il faudra trouver des gestes d'antilope" pour "sentir comment la terre dessous respire". Ici et là des chevreuils bondissent ou nous observent de haut, car "je suis un chevreuil". L'une avec ses mots, l'autre avec ses formes et ses couleurs, toutes deux nous portent vers un monde onirique où s'allument des "lumières sur la lune", où l'on marche "sur le toit d'un train", où l'on "enjambe des lacs"...
Leur œuvre commune est un jeu de miroirs. Deux sensibilités se mettent en regard, toutes deux à l'affût de la vie qui se déploie à l'extérieur. Mais pour chacune le dehors a cette faculté de leur "rentrer dans la peau" et de les conduire jusqu'à leur intimité profonde, faite de "secrets", de souvenirs devenus "kilomètres de racines", et sans cesse nourrie de la faculté d'accueillir le monde alentour.
Pelotes, averses, miroirs : trois mots sans lien apparent; l'œuvre, synonyme ici de dire, voir, recevoir et redonner, jette entre eux des ponts subtils.
Pelotes, Averses, Miroirs, d'Albane Gellé et Patricia Cartereau, Éditions L'atelier contemporain, 163 p., 25 €, ISBN 979-10-92444-62-9.