🚨 Culture en Crise 🚨

Le livre et la lecture en prison pour alléger la peine

Publié le 15/10/2018 par Stéphanie Lechêne
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Aux livres citoyens ! C'est le titre du colloque national animé par Christelle Capo-Chichi et proposé par La ligue de l'Enseignement des Pays de la Loire en partenariat avec l'ABF Pays de la Loire, qui s'est tenu à Nantes le 12 octobre 2018.

Quelques repères en Pays de la Loire

  • 7 centres de détention et maisons d'arrêt en Pays de la Loire : 
  • un centre pénitentiaire à Nantes,
  • une maison d'arrêt à Carquefou (avec la prison pour femmes également)
  • une maison d'arrêt à Angers
  • une maison d'arrêt au Mans, 
  • une maison d'arrêt à La Roche-sur-Yon
  • une maison d'arrêt à Fontenay-le-Comte)

On distingue les centres de détention (peines supérieures à 2 ans) des maisons d'arrêt (peines inférieures à deux ans, et détenus en attente de jugement).

Chaque prison a sa bibliothèque, plus ou moins grande selon la population carcérale, encadrée par une coordinatrice de La Ligue de l'enseignement et animée par des détenus formés au métier d'auxiliaire de bibliothèque. 

C'est en 1986 sous l'impulsion des deux ministres Badinter et Lang en charge respectivement de la justice et de la culture que nait un protocole d'accord ayant pour objectif de mettre en œuvre une politique culturelle de qualité pour les personnes placées sous main de justice. Quelques années plus tard en 1994, le manifeste de l'IFLA/UNESCO sur la Bibliothèque Publique insiste sur l'indispensable présence de bibliothèques en milieu carcéral.

« La bibliothèque publique est, par excellence, le centre d’information local, où l’utilisateur peut trouver facilement toutes sortes de connaissances et d’informations.
Les services qu’elle assure sont également accessibles à tous, sans distinction d’âge, de race, de sexe, de religion, de nationalité, de langue ou de condition sociale. Des prestations et des équipements spéciaux doivent y être prévus à l’intention de ceux qui ne peuvent, pour une raison ou un autre, utiliser les services et le matériel normalement fournis, par exemple les minorités linguistiques, les handicapés, les personnes hospitalisées ou incarcérées. »

Extrait cité par Isabelle Magne, présidente du groupe ABF Pays de la Loire

Aujourd'hui, le bilan est positif en pays de la Loire (qualité des infrastructures,  professionnels sur place, action culturelle...) mais d'après le  rapport de l'administration pénitentiaire de 2015, il reste contrasté selon la taille des établissements. L'accès à la culture reste discriminatoire dans ce contexte, par exemple entre les hommes et les femmes car ces dernières, beaucoup moins nombreuses, bénéficient d'une bibliothèque pus petite et avec un fond nettement moins important...

 

Voici quelques thèmes abordés pendant la journée par les différents intervenants :

Nommer

Les détenus sont-ils des publics, des usagers, des lecteurs, des consommateurs de livres et de lecture ? Aucune de ces dénominations ne semble satisfaisante pour des personnes placées sous main de justice car ce sont autant de personnes sensibles pour certains au livre, à l'objet, d'autres à l'espace de la bibliothèque où on vient jouer aux cartes, et pour d'autres encore sensibles aux différents dispositifs de médiation proposés.

L'écrit

Pascal Lécuyer, directeur du SPIP Sarthe insiste sur la place de l'écrit en milieu carcéral et souligne que la culture pénitentiaire est une culture du tout écrit pour éviter ainsi tout contentieux. Alors que les prisons comptent en moyenne 35 % de détenus ayant des problèmes avec l'écrit et 11 % d'illettrés, la feuille et le crayon restent le seul moyen de communication avec l'extérieur mais aussi au sein de la prison, et ce pour n'importe quelle demande.

La formation

La formation des auxiliaires de bibliothèques dans les prisons : elle est proposée par les coordinatrices de la Ligue, mais aussi par les services des bibliothèques départementales. Mais une fois à l'extérieur, il y a peu de place pour une reconversion aux métiers des bibliothèques car accéder au statut de fonctionnaire implique d'avoir un casier judiciaire vierge. En Bretagne toutefois, la valorisation d'acquis professionnels a permis à d'anciens détenus de poursuivre une carrière en bibliothèque après leur sortie.

Le déficit de la formation des bibliothécaires qui travaillent en milieu carcéral : ce milieu éprouvant et difficile parfois demande une préparation spécifique sur l'accessibilité, l'enfermement, la surveillance... 

L'importance de la transmission des actions de médiation menées en milieu carcéral : les collègues bibliothécaires ne doivent pas s'essouffler et pouvoir renouveler leurs pratiques. Il est aussi important de donner de la visibilité à ces actions en milieu fermé qui, par définition, ne se voient pas.

L'absence de formation du personnel pénitentiaire à la médiation et à l'action culturelle au sens large. Aujourd'hui, les partenariats avec les collectivités et les associations du territoire sont privilégiées pour déployer l'action culturelle.

La médiation

L'enseignante-chercheuse Delphine Saurier insiste sur l'importance d'ouvrir le « champ des possibles » des milieux fermés. Plus les actions de médiation sont nombreuses, plus l'impact sera important car elles toucheront plus de sensibilités différentes et donc plus de détenus.

« Il faut travailler la singularité. Et réfléchir aussi aux transitions dans les propositions de médiation ».

Un atelier d'écriture qui s'arrête, même au bout de plusieurs mois, doit nous obliger à nous demander : qu'en reste t-il pour les détenus ? 

La médiation culturelle, c'est impliquer les détenus dans des prix littéraires, le prix Cezam par exemple explique Florence Doucet, responsable de l'action culturelle des médiathèques Nantes Nord ainsi que Véronique Adde, bibliothécaire à la médiathèque Toussaint à Angers. Cette dernière explique que l'objectif est de proposer des actions dont les thématiques vont parler aux détenus (les récits de voyage,  les jeux vidéos, le développement personnel et le bien-être) mais aussi leur permettre d'aller plus loin comme lorsque le conservateur présente des fonds patrimoniaux.

Les partenaires

Les Bibliothèques départementales jouent un rôle essentiel pour alimenter les fonds des bibliothèques mais aussi pour apporter une aide technique (réaménagement) et de la formation. Ils prêtent également des expositions et financent en partie certaines animations.

Les structures littéraires qui permettent, en fonction de leur programmation, de faire venir des auteurs en prison pour des rencontres, des lectures ou des ateliers d'écriture : Lecture en Tête à Laval ou Le Grand R à la Roche-sur-Yon. 

Le lien 

Les auxiliaires de bibliothèques ont un rôle spécifique au sein des prisons car ils se retrouvent eux mêmes à veiller au respect du lieu et à jouer le rôle de médiateurs auprès des autres détenus. Ils usent alors de techniques propres pour faire de ces bibliothèques un lieu de détente, de calme, un moment rare et précieux.

Le lien entre le livre et le détenu se fait aussi grâce à des dispositifs comme le Kiosque, ce meuble pensé par la Ligue de l'enseignement et réalisé par le cabinet Fichtre !, qui permet d'introduire le livre dans certaines zones de la prison où les détenus ne peuvent aller seuls. (voir la vidéo ci-dessous)

Le livre permet aussi le lien  entre le détenu et sa famille par la mise en place de boites à lire par exemple dans les Abris Famille ( salles d'attente avant parloirs) ou par des des actions de médiation comme à la BM du Mans où des détenus se rendent dans la médiathèque pour un événement spécifique afin d'y retrouver leurs enfants...

Le journal

Quel rapport entretient le détenu avec le journal ? Il y a celui de la presse locale qui relate un fait divers dans lequel il est impliqué ou celui dans lequel on parle d'une action de médiation proposée par la bibliothèque auquel il a participé... Même si les médias sont plutôt friands de ce qui se passe dans la case fait divers (violence, surpopulation, suicide...), on tend aujourd'hui à avoir un relais médiatique important de l'action culturelle proposée en milieu carcéral.

La trace

Rémi Checchetto explique que la trace est importante pour les détenus, qu'il n'y pas volonté d'absolument faire une publication de tout ce qui resort des ateliers d'écriture en prison mais que c'est important qu'ils puissent en avoir une trace, un souvenir.

Culture commune

C'est le mot de la fin, proposé par Rémi Checchetto qui met de l'humanité là où on n'en voit pas beaucoup, et plébiscité par l'ensemble des acteurs réunis autour de ce colloque national animé par Christelle Capo Chichi.

Voir le programme du colloque

Les actions Livre et Lecture de la Ligue de l'enseignement Pays de la Loire

Présentation du Kiosque Facile à Lire :