🚨 Culture en Crise 🚨

Vivre le Québec livres

Publié le 20/12/2018 par Elisabeth Sourdillat et Patrice Lumeau
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Qui n’a pas rêvé de partir à l’Ouest ? Rencontrer le nouveau monde ? Delphine Bretesché, auteure et plasticienne, les libraires de La Vie devant soi, Charlotte Desmousseaux et Étienne Garnier, sont passés de l’autre côté de l’Atlantique fin 2017. Direction le Québec. 

Cette enclave francophone dans un univers anglo-saxon a un potentiel de séduction fort qui ne s’arrête pas à ses grands espaces, mais se déploie aussi à travers sa culture. Charlotte Desmousseaux parle d’une littérature novatrice, notamment par sa forme. Sans aucun doute le rapport à la nature et l’influence du voisin ne sont pas indifférents à cette littérature émergente. Sans aucun doute le renouveau de la littérature contemporaine passe par le Québec.

Comment un beau jour se retrouve-t-on en Amérique du Nord ? On n’atterrit pas par hasard à Montréal-Trudeau. Delphine Bretesché avait noué une relation littéraire et amicale avec Michèle Provost, artiste québécoise en résidence au Lieu unique à Nantes en 2016. À La Vie devant soi, on avoue aussi avoir développé moult liens avec le monde littéraire québécois, auteurs, libraires, éditeurs compris, bien avant ce périple. Un travail de fond préexiste à l’envol. Fin 2017, c’est le temps du festival du livre de Montréal, La Vie devant soi fait partie de la délégation de dix libraires francophones invités par Québec Éditions, le comité national dédié au rayonnement international en langue française et l’Anel (association nationale des éditeurs de livres).

Pour l’auteure plasticienne, bien sûr, ce sont des rencontres, comme celle avec Nicole Brossard (auteure québécoise), mais c’est aussi un an de travail qui l’amène à adresser une demande de bourse auprès de l’Institut français-ville de Nantes. Pour obtenir cette résidence, Delphine Bretesché a l’originalité de soumettre un projet qui s’inscrit dans un protocole particulier. Pendant ces quatre semaines en résidence, elle propose de changer de lieu chaque lundi pour habiter ailleurs, aller à la rencontre d’un autre, un autre appartement, un lieu, un quartier, un hôte. Cette résidence en la ville de Québec s’intitulera donc : La rencontre (festin Québec). L’idée phare ? Le festin. Et les nourritures qui le constituent ne sont pas que poutine et sirop d’érable mais, au sens large, livres, films, rencontres, etc.

C’est comment là-bas ? Pour les libraires nantais cette riche immersion d’une semaine dans la littérature québécoise permet de découvrir des ouvrages et d’enpromouvoir. Le festival est le bon moment pour s’entretenir avec les éditeurs en vue : Le Quartanier, La Peuplade, Mémoire d’encrier. Ces maisons défendent des auteurs reconnus comme Bertrand Laverdure (La Chambre Neptune), ou Christian Guay-Poliquin (Le Poids de la neige), ou encore Éric Plamondon (Taqawan).

L’immersion passe aussi par les librairies où le livre se vit autrement. Au Québec, le livre importé est cher. Le libraire possède donc un important stock de livres d’occasion, un fonds français conséquent. Les librairies ont de nombreux employés (parfois des auteurs) et des horaires qui feraient penser à une américanisation de la société si on oubliait qu’ici c’est l’Amérique.

De son côté, Delphine Bretesché apprécie la résidence qui dégage « un fort courant énergétique », « le déplacement éveille tous les neurones ! » Sa reconnaissance va à cette bourse qui a permis l’aventure. Le confort mobilisé permet à la création d’être plus facilement au rendez-vous. Être libérée du quotidien « réenchante mon rapport au monde ». L’auteure trouve ainsi un état de disponibilité idéal pour la rencontre, et conséquemment pour la création. Et de confier qu’il a fallu « 5 000 km pour retrouver mon trait ». Ce retour au dessin s’est traduit illico par un journal manuscrit dessiné. La résidence aiguise les sens, c’est l’évidence.

Et on en rapporte quoi ? Deux valises pleines de bouquins, de quoi ébranler l’assurance du douanier ! Les libraires nantais reviennent chargés pour poursuivre leur travail de défricheurs. L’enjeu est d’intégrer ces livres, les estampiller, sans les marginaliser dans un rayon Québec. Des obstacles liés à la diffusion, à la distribution et à la langue existent. La francophonie a ses limites, et certains livres nécessitent une traduction. Pas de quoi arrêter ces pionniers décidés à s’inscrire dans la continuité. Ils songent à inviter des auteurs autour d’un festival France Québec. Delphine Bretesché y serait peut-être conviée ? Elle garde à l’esprit son projet d’objet éditorial, une série d’images et de dessins rapportés d’Amérique.

Vos papiers ?

La langue n’est pas qu’un système linguistique, voilà le message que les acteurs du livre transmettent. Elle porte en elle une histoire, un système de pensée, un rapport au monde. Notre chance dans les Pays de la Loire ? Des hommes, des femmes, qui prennent leur bâton sans ménager le chemin à parcourir ; armés de curiosité, d’audace, ils tissent des liens entre nous et l’ailleurs. Ils ne cherchent pas à donner le change, ils revendiquent l’échange. Du poète à l’interprète, de l’éditeur à l’organisateur de festival, pas un n’y échappe, tous ont cette manière d’être au monde. Humanistes avant tout. Libres passeurs, ils ouvrent les frontières. L’aventure de l’autre ne nécessite pas nécessairement passeport et visa. L’aventure de l’autre, c’est nous.


Une résidence en partage

Sur place, au Québec, Delphine Bretesché ne ménage pas les rencontres. Son travail se fait collectif avec trois artistes : une installation avec Maude Veilleux, Mesurer ce qui nous sépare ; elle explore aussi la marche avec Hélène Matte ; et l’épistolaire avec Vanessa Bell. Au final de ces 25 jours de résidence, l’auteure livre 25 minutes de texte performé, Bureau 114.

 

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