Christophe Alline, de l’éducation populaire à la création

Publié le 21/04/2016 par Marie-Pascale Boucaud
Christophe Alline
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 À l’occasion de son exposition au Grand Théâtre d’Angers, qui retrace 17 ans de travail, rencontre avec Christophe Alline, auteur d’albums jeunesse et artiste plasticien, sur son lieu de travail à Écouflant.

Peux-tu nous présenter ce lieu de travail un peu atypique ?

Mon atelier est installé au milieu d’autres ateliers d’artistes et d’artisans sous d’anciennes serres, en pleine campagne. Nous sommes assez nombreux, environ une vingtaine actuellement ─ et d’autres à venir  ─, il y a même un garage !  J’y suis à la fois seul dans ma bulle et avec les autres.  J’ai un atelier suffisamment grand pour avoir toute ma « nourriture » sous les yeux. Quand je suis ici, je travaille à 100 %. Le téléphone capte mal. Notre réseau téléphonique est mauvais et nous sommes isolés, ce qui n’est pas plus mal ! C’est aussi un lieu plein d’émulation. Avant j’étais seul chez moi, ou et plutôt solitaire, maintenant quand je bloque, je vais discuter avec mes « voisins », ça me permet de faire décanter les choses et de repartir. Il y a toujours quelqu’un pour partager ses compétences avec vous,  et vous rendre encore plus efficace dans votre travail. Nous avons un lieu festif avec une scène où nous organisons régulièrement des soirées : concerts, spectacles. C’est un test pour ceux qui l’offrent aux autres, c’est un bon fonctionnement. Tout le monde se nourrit des autres mais a son propre espace propre.

Quelles rencontres importantes ont déterminé ce que tu es maintenant ?

À 13 ans, j’ai fait du théâtre avec Jean Rochereau, un comédien du théâtre du Radeau du Mans. C’est un peu mon mentor. C’est lui qui a le plus marqué mon parcours. Il m’a apporté cet esprit « imaginaire détourné », cette façon décalée de travailler autour de l’imaginaire. Avec lui, une poubelle devenait un clocher et il embarquait tout le monde. Je l’ai recroisé plus tard et lui ai offert, ému, mon album Dans Paris. Il intervenait dans une MJC (Maison des Jeunes et de la Culture) où j’étais toujours fourré. J’y ai appris à jouer de la guitare, à faire de la sérigraphie. Le directeur m’avait pris sous son aile et m’a permis de réaliser mes premières affiches. Je faisais du dessin depuis la maternelle, mais c’est là que mon envie d’aller vers les arts s’est déclenchée, avec un profil touche-à-tout toujours intact !

Et la médiation artistique qui te tient à cœur ?

Elle vient également de là ! La MJC, c’est l’éducation populaire et c’est ce qui fait ce que je suis. C’est une vraie formation, je réalise tout ce que ça a pu m’apporter. Je me sens redevable et j’ai envie de transmettre cette expérience. Ça me nourrit et ce n’est pas dissociable de mon travail. J’aime tester avec les enfants, j’aime leur retour. C’est aussi important que mon travail. C’est l’éducation populaire qui a fait ce que je suis.

Quel est ton rapport aux éditeurs ?

Je suis entré aux éditions Didier un peu par hasard. J’y ai présenté mon premier projet d’album, En moins d’une dans la lune. Le texte a été réécrit par Michel Picquemal mais et ils ont beaucoup aimé mon univers graphique. J’ai enchaîné sur d’autres albums dans la même collection, mais travailler autour de textes de tradition orale n’était pas programmé ! Mes préférés sont Dans Paris  et  Elvis. J’ai édité mon dernier, Le gros navet, chez l’Elan vert.

Si je pouvais vivre de mes albums, je ne ferais que ça ! Mais comment vivre avec mes 5 % du prix du livre ? Les droits d’auteur, c’est du vol. Nous n’avons que des miettes, c’est misérable. Seuls quelques maisons d’édition jeunesse payent correctement leurs auteurs. On ne peut pas vivre de nos livres alors que l’on passe des mois et des mois sur nos créations. La plupart des auteurs font des rencontres et des ateliers ou mènent plusieurs projets à la fois. On travaille pour des entreprises privées et on est payé par des structures publiques, c’est complètement  paradoxal. On est tous en rébellion contre ça.

« Je suis révolté par la condition d’auteur »

Des lieux, d’autres artistes appréciés ? 

La caverne de Dubuffet au centre Pompidou à Paris, c’était le rendez-vous avec les copains. J’aime l’esprit cabinet de curiosités. Je ne loupe jamais non plus l’exposition « Hey ! Art moderne et culture pop » à la Halle Saint-Pierre !
Je me sens proche aussi de Daniel Tremblay, artiste angevin décédé prématurément dans les années 80. Un jour, un enfant a fait le rapprochement entre nous après avoir vu son œuvre. J’étais très flatté !

Des projets en cours ?

J’en ai trois sur le feu ! Un album avec l’auteure angevine Catherine Leblanc, qui s’intitulera Jean et le géant. Un autre où j’écris et j’illustre un rêve : je dessine aux feutres couleur, je reviens à mon dessin de départ. Et puis, un projet encore en attente d’accord par une maison d’édition. L’exposition au Grand Théâtre n’est pas étrangère à ces commandes !

L'exposition de Christophe Alline se tient au Grand Théâtre d’Angers jusqu’au 30 avril 2016.