Avec Breloques, Olivier Ka soulève une question que chacun de nous s'est posée un jour: ce que nous aurions pu être si... si les choses s'étaient passées autrement chez nos ancêtres. Lecture de Claire-Neige Jaunet.
Dès que nos yeux se posent sur le recueil Breloques d'Olivier Ka, nous comprenons que nous pénétrons dans le monde de la famille : photos d'albums traditionnelles en deuxième et troisième de couverture, et typographie imitant l'écriture appliquée d'un enfant qui tiendrait son journal intime avec le plus grand soin, faisant ressortir les citations en lettres de couleur.
Les illustrations de Christophe Alline présentent des montages imprévus, parfois cocasses, où s'invitent des objets quotidiens : cuillères, oeufs, ampoule, chapeau, fleurs et vases, pince à linge, pâtes alimentaires détournées de leur usage...
Ces montages hétéroclites sont en réalité des portraits, qui entretiennent une connivence astucieuse avec le texte, celui-ci étant lui-même une collection de figures familiales ("mon père", "ma maman", "tata Claudine", etc.) ; des figures observées par un regard d'enfant qui ne saisit pas tout de leur vie, mais qui perçoit leurs grogneries, leurs chamailleries, leurs petites habitudes et leurs petits travers, mais aussi leur tendresse et les paroles qui jettent des ponts de l'un à l'autre.
Viennent s'y mêler le "hibou domestique" et "le poisson exotique", pourvus d'un nom propre au même titre que les humains. Nous ne sommes cependant pas devant une galerie de portraits dont on pourrait modifier l'ordonnance, car chaque texte est relié syntaxiquement au suivant : tout le monde se trouve ainsi réuni dans un long fil, et le "moi" apparaît au cœur d'une chaîne, entre "papi Léon" et "mes enfants". . . des enfants non encore nés, qui ne sont encore que des hypothèses.
La ligne temporelle est ainsi complète, il y a un avant, un présent, et un futur. Futur qui mène au sentiment du hasard — ou de la destinée... : une soudaine rêverie transforme mamie Bernadette en "reine de l'aquarium" se mariant avec "un garçon tendre", scénario imaginaire d'où surgit une longue suite de conditionnels venant déconstruire l'arbre généalogique et engendrer des interrogations sur le moi et son identité, formulées avec les mots simples de l'enfance. Cette question sur ce que nous aurions pu être si... si les choses s'étaient passées autrement chez nos ancêtres, chacun de nous se l'est posée un jour et l'a ensuite enfouie dans le tiroir secret des questions sans réponse : Olivier Ka nous la restitue sans angoisse ni emphase, avec le naturel de l'enfantqui s'aventure sans le savoir dans de grands mystères, et pour qui la réponse est moins importante que le bonheur d'habiter une maison traversée d'une "vague d'amour".
Breloques, de Olivier Ka, Les Éditions du Faitout, 40 p.,10 €, ISBN 978-2-9544300-5-8.
Disponibles chez quelques librairies dans la région :
à Angers (Richer,La Luciole),
à Nantes (Les Enfants terribles),
à Luçon (Arcadie).