🚨 Culture en Crise 🚨

Céline Bénabès et sa vie littéraire

Publié le 28/10/2015 par Guénaël Boutouillet
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Céline Bénabès est depuis 2011 responsable de Lecture en tête à Laval.

Lecture en tête, c’est, depuis 1992, le « festival du premier roman (et des littératures contemporaines) », un des temps forts de la vie littéraire en Pays-de-la-Loire. Mais, au-delà de l’espace-temps événementiel, l’association lavalloise produit aussi une action à l’année, sur le territoire mayennais – ceci afin d’aller à la rencontre de tous les publics, ainsi qu’il est annoncé dans ses statuts. Pour fédérer et animer, il faut allier endurance, exigence et passion.

Céline Bénabès parle avec autant de vibrations des livres qui l’ont construite, des actions qu’elle met en place, que des partenaires avec qui travailler. De ce qui fut fait, et de ce qui demeure à faire. Rencontre.


Céline Bénabès, vous êtes responsable de Lecture en tête. En quoi cela consiste-t-il?

Je suis en charge de la programmation, de la saison comme du festival, ainsi que de l'animation de quelques cafés littéraires. Lecture en Tête a un fonctionnement administratif dont j'ai en partie la charge; d'autres tâches, ainsi que la vie quotidienne, étant partagées avec Anne-Sophie Denou, médiatrice du livre et coordinatrice de projets. Je suis en relation directe avec un conseil d'administration qui a régulièrement besoin de mes propositions ou conseils, d’où un travail en binôme avec la présidente de l’association (Brigitte Maligorne).

 Quel fut votre itinéraire professionnel préalable, dans les domaines de la vie littéraire, et/ou, de la littérature, de l’action culturelle ?

Assez atypique et plutôt autodidacte. Mon parcours universitaire me menait à l'enseignement de l'anglais. Mais, n'ayant pu obtenir le CAPES et effrayée par la salle des profs, je me suis tournée vers le milieu associatif pour transmettre cette langue à un public volontaire de 3 à 70 ans.
Durant cette période, j'ai découvert la littérature. J’avais 28 ans, et l'explosion sensible et intellectuelle qu'elle a générée m'a donné l'envie de la partager. J'ai créé des cercles de lecture et commencé à animer des plateaux littéraires en Bretagne, bénévolement, jusqu'au jour où j'ai tenté l'aventure de l'indépendance en tant qu'animatrice et programmatrice littéraire. Le poste de direction que proposait Lecture en Tête correspondait à ces compétences acquises sur le terrain.

Quels livres furent la ou les portes d’entrée vers la littérature ? Qu’ont-ils déterminé, entrainé, permis ? Qu’en reste-t-il ?

Ma première empreinte littéraire fut L'étranger de Camus, j'avais 18 ans. J’ai compris que la littérature disait des choses et en insinuait d'autres, que les messages étaient pluriels car la langue est créative.
En écho, un besoin de comprendre la vie m'a plongé dans des œuvres comme celle de Zweig, Hesse, Dostoïevski, Kafka, Colette, Moravia, Calaferte ou Duras ; puis d'auteurs très contemporains comme Christine Angot, Nina Bouraoui, Pascal Quignard, Philippe Sollers, Yannick Haenel.
La lecture est pour moi une expérience de jouissance intellectuelle, qui fait vibrer le corps quand les neurones du cerveau et du ventre sont attisés, à laquelle je suis devenue addict. Les livres et les écrivains sont mes alliés dans cette expérience. Ils répondent à mon fonctionnement d'être désirant. Et le jeu en vaut la chandelle. J'ai ainsi pu lire le dernier Sorj Chalandon, Profession du père, avant sa sortie. Cette lecture a été une expérience physique très dense, parfois désagréable dans sa violence mais extrêmement nourrissante pour ma sensibilité. Un remue-méninges jouissif, de ceux qui vous font décoller de vous-même et offrent un nouvel angle de vue.

 J'ai réalisé que cette rencontre avec la littérature n'était pas un hasard, mais une suite logique, après des études de langue et un intérêt pour l'inconscient : les mots sont dans les livres. Quand j'ai compris ce qu'avait réalisé la littérature à mon égard, je me suis dit que cela pourrait se passer pour d'autres : nous sommes des êtres de langage, nous avons tous besoin d'être sauvés par les mots.
C’est sans doute le rôle des projets comme Lecture en Tête : d’être un outil de développement et d'autonomisation de l'individu par l'accès au langage, un outil de liberté. Nous accompagnons les lecteurs, tendons le livre vers des mains et par ce geste offrons une part de liberté.


Ce maillon de la chaîne est essentiel, car il existe sans filtre, sans gestion de l'ego, sans démarche commerciale, par désir. Un gain de liberté, même minimal, même incalculable, perçu par l'être sensible qu'est l'humain, est une arme redoutable de maintien de la paix !