Un nouveau recueil de nouvelles de Pierre Bordage, où alternent le fantastique et la fantasy, utopies et uchronie, contes merveilleux et récits d’anticipation. Lecture de Joël Glaziou.
La première nouvelle qui donne son titre au nouveau recueil de Pierre Bordage, Hier je vous donnerai de mes nouvelles, en donne d’emblée la tonalité générale. Temps passé et temps futur se télescopent pour parler du présent.
En maître de l’uchronie (rappelons-nous le cycle de Wang), Pierre Bordage nous raconte l’histoire de Jason qui voyage dans le temps : parti de 2086, il retrouve ses ancêtres en 1971, à la Libération en 1944 et pendant la Révolution en 1793 rappelons-nous la trilogie L’enjomineur) et constate que partout et en tout temps “règne la même ambiance qu’en 2017”: catastrophes, guerres, haines, peurs, suspicions…
Dans “Terre promise” et “L’enfant et l’amer”, qui se situent dans un futur proche (peut-être même notre présent), des hordes d’exilés politiques ou de réfugiés climatiques chassés d’Amérique du Nord ou d’ailleurs échouent sur nos côtes européennes et sont accueillis sous la mitraille.
Après l’explosion en 2008 d’un réacteur nucléaire en bord de Loire, des survivants vivent dans des cavernes d’où quelques enfants échappent à la surveillance de leurs parents pour partir à la recherche du démon “Césium 137”.
Inutile parfois de préciser une date, lorsque “l’Autre” fraîchement arrivée dans le village est l’objet d’une haine immémoriale : on la traite de “sorcière” et on la charge alors de tous les maux comme tous les boucs émissaires depuis l’aube des temps.
Il arrive parfois que le mélange des temps se double d’un mélange des genres où réel et fantastique se côtoient. Ainsi “Chant du solstice” ou “Morflam”, conte proche du merveilleux et de la fantasy. Mais aussi dans “La dernière affaire de Sagamor” où un tueur à gages se trouve confronté à une elfe. Ou encore dans “La ligne” où du côté de Marseille un passeur aide sept personnes fuyant “l’envahisseur souterrain” à franchir la zone où des pousses végétales géantes hameçonnent ceux qui s’y aventurent.
Enfin dans la dernière nouvelle, les dix membres (cinq femmes, cinq hommes) de l’équipage de l’Origo, capsule réduite à la taille d’un millième d’atome, franchissent des millions d’années à la seconde. Au moment où ils s’approchent du point d’origine, ils s’accouplent en une orgie des corps et des esprits et tout se fond dans une formidable énergie (l’Amour ?) qui participe à la naissance de l’univers…
Recueil varié où alternent nouvelles déjà publiées et nouvelles inédites, où alternent les registres différents du fantastique et de la fantasy, où alternent utopies et uchronie, contes merveilleux et récits d’anticipation. Où alternent aussi les réflexions sur les guerres et les religions, sur les changements climatiques et les catastrophes nucléaires et sur le monde que nous laisserons à nos descendants.
Avec ce troisième recueil (après Nouvelle VieTM et Dernières nouvelles de la Terre), Pierre Bordage propose une véritable défense et illustration de la littérature populaire et des littératures de l’imagination dont il fait l’éloge dans un prologue en rappelant qu’au sortir de l’enfance, la lecture d’Homère fut pour lui un choc, un vertige, une révélation, une drogue !
Hier je vous donnerai de mes nouvelles, Pierre Bordage, L’Atalante, 256 p. 14,50 €, ISBN: P782841727674.