Les Forges, de Jean-Pierre Suaudeau

Publié le 05/04/2018 par Gérard Lambert-Ullmann
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Un roman qui Ă©voque la vie ouvrière et l’ancienne industrie sidĂ©rurgique de Saint Nazaire, Ă©crit dans un style d’une prenante poĂ©sie. Lecture de GĂ©rard Lambert-Ullmann.  

AssurĂ©ment, elle interpelle le voyageur arrivant pour la première fois Ă  Saint Nazaire cette araignĂ©e de bĂ©ton lovĂ©e sur l’horizon. Les forges de Trignac, vestige de l’époque oĂą la construction navale prenait son essor, sont en effet assez  impressionnantes: “carcasses mystĂ©rieuses et funestes, ces Ă©chassiers gigantesques caparaçonnĂ©s de gris, mi-sauvages, mi-apprivoisĂ©s, tĂ©tanisĂ©s au milieu du marais, guettant leur proie”. Il y a lĂ  de quoi nourrir deux regards qui se disputent: “La fascination devant les traces monumentales de l’ancienne industrie sidĂ©rurgique, du savoir faire technique naissant, ou l’indignation devant l’exploitation, l’oppression rĂ©servĂ©es aux ouvriers, liĂ©es Ă   des conditions de travail impensables, inimaginables”. C’est Ă  quoi se consacre, superbement, Jean-Pierre Suaudeau, nazairien d’adoption depuis longtemps, dans ce livre qui ne se veut pas une Ă©tude historique, mais un roman, et qui en a toute la finesse et la puissance. 

Son propos pourrait se rĂ©sumer par une phrase: souvenons-nous de ce que nous n’avons pas connu. Il s’agit en effet, par delĂ  les ruines, de faire entendre le battement des cĹ“urs des diffĂ©rents protagonistes de leur histoire: des maĂ®tres des forges aux ouvriers. Pour cela, l’auteur se promène entre trois Ă©poques: la fin du 19ème siècle, crĂ©ation de l’usine pour servir Ă  la construction de bateaux en fer par la Compagnie GĂ©nĂ©rale Transatlantique, et première grève ouvrière de 1894, longue et dure, tandis que la haute bourgeoisie dĂ©couvre les charmes balnĂ©aires de La Baule; puis les annĂ©es 70 et une nouvelle grève emblĂ©matique de l’usine Caravelair situĂ©e juste Ă  cĂ´tĂ© des forges fermĂ©es en 1945, et le tournage du film de RenĂ© Vautier Quand tu disais Valery; enfin l’annĂ©e 1983 durant laquelle un spectacle impressionnant mettant en scène Le chant gĂ©nĂ©ral de Pablo Neruda avait Ă©tĂ© montĂ© dans les ruines des forges. 

Cependant, en écrivain subtil, Jean-Pierre Suaudeau se garde bien de faire du Zola. C’est dans un style d’une prenante poésie qu’il peint son tableau de la lutte du fer et de la sueur. Et c’est en homme sensible qu’il écrit une ode parfaite à la dignité.

Les Forges, un roman, de Jean-Pierre Suaudeau, Joca Seria, 100 p., 16 €, ISBN 9782848093024.

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