Le film noir français, de Thomas Pillard

Publié le 09/10/2015 par Gérard Lambert-Ullmann
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Quand on pense au film noir des années cinquante, on pense plus facilement à Humphrey Bogart, Lauren Bacall, Robert Mitchum, Gene Tierney, moins fréquemment à Jean Gabin, Lino Ventura, Simone Signoret, Yves Montand, ou même… Edith Piaf.

Pourtant, ce cinéma noir français a aussi quelques très beaux fleurons à son actif. L’apparition de Dominique Wilms dans La môme vert de gris vaut bien celle de Rita Hayworth dans Gilda même si un commentateur de l’époque l’a comparé méchamment à “une Lauren Bacall de Prisunic”. Et, si Eddie Constantine n’a pas atteint l’envergure d’un Bogart, cela tient plus à la nullité des films qu’on lui a fait tourner qu’à son jeu de comédien. Mais les dialogues d’un Michel Audiard font facilement la pige à ceux de certains scénaristes américains. Et l’admirable tandem Carné/Prévert bat à plate couture bien des productions d’outre atlantique.
 
Spécialiste du cinéma français, dont il enseigne l’étude, Thomas Pillard, comble heureusement une lacune sur ce sujet avec ce livre qui deviendra, n’en doutons pas, une référence. Son principal mérite est d’y montrer que, loin d’être une simple copie du film hollywoodien, le film noir français a des spécificités bien à lui et ne se cantonne pas aux films de “gangsters” (Qui d’ailleurs ont, eux aussi, quelque chose de bien français : le milieu montmartrois étant assez différent, au moins dans l’allure, de celui des mafias yankees).

Les splendides Portes de la nuit ou Quai des brumes ont une profondeur psychologique et dramatique que bien d’autres pourraient leur envier. Ils sont, à leur manière, des témoignages irremplaçables sur la société française de l’immédiat après-guerre, ses anxiétés, ses tensions, et son inimitable gouaille. Mais le burlesque de Fernandel dans L’ennemi public N° 1 montre qu’il y eut aussi une “Série noire pour rire” non négligeable.
 
Plonger dans ce livre rappellera à certains les émois en noir et blanc de leur adolescence au Rialto. Pour les plus jeunes ce sera une occasion de découvrir une des facettes de la richesse du cinéma français dans ce qu’il faut bien appeler son bel âge.

Thomas Pillard, Le film noir français, (1946-1960), Joseph K, 350 p., 19,80 €,  ISBN 9782910686680