Un texte oĂą quand la souffrance ne peut pas se faire oublier, c'est quand mĂŞme la douceur qui donne le ton
Comment accompagner dans la dignité et dans l'amour un proche que la maladie condamne et vous arrache prématurément ? Cette douloureuse expérience est celle de Sophie Roch-Veiras, enseignante-chercheuse à L’Université Catholique de L’Ouest (Angers), et elle nous la fait partager dans son ouvrage 1, 2, 3 Soleil (Ed. Lanskine), où la parole poétique ne retient de la chronologie que le vécu le plus intime : moments d'attente, de colère, de chagrin, de douleurs, de renoncements, de tensions familiales, de questionnements, de mauvaise conscience... Moments aussi de "rigolades" volés à la gravité des faits.
Alors, pourquoi un titre aussi léger, qui évoque l'âge des jeux et de l'insouciance ?
Parce qu'il y a Timothée et Pablo, pour qui les droits de l'enfance continuent : aller "prendre l'air" avec les copains quand les parents partent pour la chimio, "sauter sur le lit où il est allongé" - il : celui qui n'est déjà plus qu'un "mari inexistant" et un "père absent" replié dans "les jours comptés" et "l'espoir qui s'amenuise".
L'enfant qui joue à la marelle sautille entre Terre et Ciel sans savoir ce qu'il mime et quel est ce chemin... "1, 2, 3 Soleil !" : cri de victoire, le jeu est son monde, le monde est un jeu. Et à quatre ans, quand l'inconcevable s'impose ("Il ne reviendra plus?"... "Non, Pablo. Il ne reviendra plus"), le souci c'est de "savoir qui va maintenant pouvoir lui réparer ses jouets", et s'il y aura encore des tours de manège... "des tours de manège illimités", pour rester dans le tourbillon de l'existence. Droits de l'enfance et droit de la vie ne font qu'un : les derniers mots du texte sont pour l'olivier offert par les amis le jour des funérailles, et qui restera solidement "ancré dans sa terre" une fois la maison quittée, livré au rythme des saisons.
Tel un miroir de la vie imprévisible, la phrase de Sophie Roch-Veiras est souvent bousculée par une ponctuation imprévue, qui organise en séquences surprenantes des fragments d'émotions, des projets bouleversés, des instants soudain privés de légèreté, un équilibre incertain entre la déchirure intérieure et la marche du quotidien.
"J'ai bien senti que nos chemins se séparaient. Qu'il s'éloignait de moi. Je peux encore l'entendre. Je peux encore l'aimer. Au-delà , je ne pourrai pas l'accompagner."...
Et dans ce texte où la souffrance ne peut pas se faire oublier, c'est quand même la douceur qui donne le ton, parce que le temps qui a passé a mis en lumière l'essentiel : être allée au cœur de la rencontre avec l'autre, et aussi loin qu'on le peut.
Sophie Roch-Veiras, 1, 2, 3 Soleil, Éditions Lanskine, 64 pp., 12€, ISBN : 9791090491083