Catherine Tourné (éditions Lanskine) et Hervé Cano (imprimerie Abelia)

Publié le 01/07/2015 par Benjamin Reverdy
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Mais qu'est-ce qui peut bien amener une éditrice de poésie et un imprimeur habituellement spécialisé en plaquettes pour agences de communication à collaborer ensemble ?

Sans doute une certaine conception des beaux objets livres. Rencontre avec, à ma gauche, Catherine Tourné, fondatrice des éditions Lanskine et, à ma droite, Hervé Cano, commercial pour l'imprimerie Abelia.

À quand remonte votre collaboration ?

Catherine Tourné : Mon premier livre, je l'ai imprimé en 2006 de façon très artisanale, au plomb, avec une gravure réalisée par un artiste-peintre sur un très beau papier vergé. Cela m'a couté une véritable fortune et m'a empêché de publier pendant deux ans, faute d'argent. Donc, aujourd'hui, mon objectif est de faire de la poésie, des belles choses, pour des sommes raisonnables. La rencontre s'est faite surtout en fonction de cette contrainte.

Hervé Cano : En fait au début de notre travail commun en 2010, j'ai réfléchi en fonction de ce dont je disposais en terme de catalogue de papier notamment, puis j'ai proposé des maquettes en blanc pour que Catherine puisse avoir l'objet en main, le toucher, et se projeter.

Comment s'est fait justement ce choix de papier, maillon essentiel du travail d'impression, dans une niche où le faible tirage ne permet pas une économie d'échelle sur la matière première ?

C : Éditer de la poésie c'est amener le lecteur ailleurs et cela nécessite un choix de papier spécifique, qu'il y ait une vraiment sensualité qui se dégage du livre. Il faut qu'il soit différent, précieux, tout en rentrant dans une économie très fragile. On commence à réfléchir sur le rendu d'une collection, ça évolue, comme une recherche permanente. On a notamment imaginé une collection au format poche (NDLR – Format Libre) qui a juste la bonne taille pour éviter de perdre trop de papier.

H : C'est assez passionnant de discuter et réfléchir ensemble pour répondre à ces contraintes. J'ai bien conscience, même si personnellement je ne lis pas de poésie, que la forme de l'objet est déterminante dans l'acte d'achat. L'enjeu pour moi est d’avoir une certaine curiosité et de proposer sensibilité de papier pour un rendu que les gens auront envie d'avoir.

C : D'autant que l'achat d'un ouvrage de poésie se fait principalement lors d'un moment très particulier : la lecture publique. Il faut que l'auteur qui donne beaucoup de lui-même ait l'impression qu'on ne s'est pas fichu de lui, qu'il existe. Et il faut que l'acheteur sente la démarche esthétique. Le livre est au cœur de cette rencontre, un peu comme une cerise sur le gâteau.

Et comment ce type de produit « esthétique » est perçu au sein de vos ateliers chez Abelia ?

H : Ce n'est pas une production classique. C'est vraiment différent de tous les documents de communication que l'on peut faire pour des agences par exemple. C'est un produit plus haut de gamme, un plus petit format, sur lequel nos conducteurs offset ont beaucoup de plaisir à travailler. C'est une approche plus artisanale qui privilégie le calage, la précision, plutôt que le « roulage », le volume. Et ça pour un conducteur, ça rythme une journée, avec une émotion un peu particulière.

C : Je pense qu'on a vraiment mis en place une relation très forte pour la fabrication de ces objets qui doivent former une vraie identité. Des objets que je vais porter très longtemps, notamment pour des ouvrages que je continuerai à présenter dans dix ans, car la durée vie de ce type de livre est très longue.

(Photos : Éditions Lanskine)

ÉDITIONS LANSKINE Nantes (44) Une maison où la fondatrice fait tout : recherche des textes, mise en page, découpage des marque-page (et même du saucisson lors des rencontres d’auteurs). Année de création : 2006 35 ouvrages à ce jour. Tirage : entre 300 et 600 exemplaires.

IMPRIMERIE ABELIA Beaucouzé (49) Une imprimerie à taille humaine entre industrie et artisanat.  Année de création : 2004 14 salariés.