Selon les chiffres du Syndicat national de l’Édition (SNE), le territoire français compterait plus de 10 000 structures éditoriales, et selon ceux de la Fédération des Éditions indépendantes (FEDEI) et de la Fédération interrégionale du livre et de la lecture (FILL), 2 200 d’entre elles seraient des structures indépendantes. La production annuelle de livres s’élève à environ 70 000 titres, dans un paysage qui totalise plus de 800 000 références disponibles. Une surabondance qui peine à trouver sa place si l’on considère qu’en parallèle, le fonds moyen d’une librairie indépendante se situe entre 6 000 et 10 000 références et que, pour permettre au plus grand nombre de titres d’être visibles, les libraires jouent de leur capacité de retour, réduisant de fait le temps passé par un livre sur les tables et dans les rayonnages.
Autant dire que créer une maison d’édition, imposer son identité, convaincre ses interlocuteurs, relève parfois du sacerdoce.
Ainsi, faire naître un fonds indépendant nécessite de s’inscrire dans un temps long pour imposer sa «marque» et son identité. La récente étude de la FEDEI souligne ce point: peu de maisons d’édition dépassent les 25 K€ de CA au bout de 10 ans ; une économie très fragile qui ne laisse place à aucune velléité de rémunération et qui montre à quel point être éditeur requiert passion et résilience…
Dans ce contexte, s’imposent toujours les mêmes titans qui à grand renfort de quantité de parutions, de communication, de prix littéraires, de rachats de marques éditoriales, contrôlent le marché et dictent leurs conditions. Non seulement éditeurs, ils maîtrisent également la majeure partie de la chaîne de diffusion et de distribution quand ils ne possèdent pas leurs propres librairies. La situation s’aggrave depuis plusieurs années ; dire que 10 % des acteurs de la chaîne concentrent 90 % du marché est devenu une réalité (« Jamais la concentration dans l’édition n’a été si importante»,
Jean-Yves Mollier, in L’Express, 23 sept. 2022).
Au milieu des géants, une personne seule peut constituer une entité morale, s’autoéditer et relever de la nomenclature NAF propre à l’édition, une association peut choisir d’éditer un livre pour célébrer ses 10 ans d’activité, des entreprises se revendiquent «maison d’édition» et fleurissent sur le net alors qu’elles ne proposent que de la sous-traitance et du compte d’auteur.
L’essor de ces plateformes brouille un peu plus les codes du métier.
Loin de résoudre les problèmes de visibilité des structures éditoriales indépendantes, elles complexifient le référencement et la diffusion des titres à travers de nombreuses «places de marché» qui entrent en contradiction directe avec la nature même du métier d’éditeur: choisir, défendre et promouvoir des auteurs.
Un porteur de projet ne pourra pas éluder la question fondamentale: Que vais-je apporter de novateur, d’essentiel et de différent dans cette surabondance ?
Une fois au clair avec ce prérequis, vous décidez de franchir le pas !
Créer votre maison d’édition répond ensuite à un parcours classique de création d’entreprise: définition du projet, montage d’un plan de financement, choix du statut juridique, levée des fonds. Toutefois faut-il au préalable appréhender les codes spécifiques du secteur, les règles, l’économie et les enjeux.
Plutôt que de partir de zéro, vous choisirez peut-être de reprendre une maison d’édition existante. Cette option comporte de nombreux avantages : une clientèle constituée (points de vente et lectorat), un réseau de commercialisation en place, un catalogue déjà développé, une sécurité plus grande quant à votre investissement et à vos objectifs. Toutefois il vous faudra affiner le projet et monter un prévisionnel financier, ainsi que bien choisir les modalités de reprise de la structure.
Ce guide vous suit pas à pas sur un ensemble de points économiques, financiers et juridiques. Il n’aborde pas le cœur du travail éditorial, à savoir celui sur les textes, leur sélection et leur accompagnement aux côtés des auteurs, mais se concentre sur les questions structurelles nécessaires à un bon fonctionnement de votre maison, même si elles ne garantissent pas à elles seules la viabilité ou le succès de votre projet.
Enfin, ce guide se propose de répondre au mieux aux sollicitations des gérants de maisons d’édition qui se préparent à céder leur structure après des années passées à la développer. Tous sont assaillis de doutes et d’interrogations : ma structure a-t-elle une valeur ? comment la céder ? quels éléments préparer ? que puis-je en attendre? quelle est la valeur de mon stock ? que se passera-t-il pour les auteurs? pour les salariés ?