La Mer salée : avis de fortes vagues d’espoir

Publié le 16/12/2019 par Patrice Lumeau
Catégorie

À l’inverse de certaines entreprises qui voient le développement durable comme une option (ou une opportunité marketing ?), La Mer salée en a fait sa contrainte de départ. 

« Notre maison d’édition tente d’être la plus locale et la plus écologique possible. […] en achetant l’un de nos ouvrages, vous contribuez à la reforestation des régions d’Alto Huayabamba au Pérou et à Héric en Loire-Atlantique. » Dès sa page d’accueil, La Mer salée le revendique haut et fort : la maison d’édition, créée en 2013, a la volonté d’éditer autrement.

Éditer pour un monde plus humain

Les éditeurs, Sandrine et Yannick Roudaut, œuvrent pour un monde soutenable et désirable. L’idée phare est de faire péda-gogie. Transmettre ces idées pour un autre monde, en touchant chacun, citoyen comme entrepreneur. À nous de le construire, ce monde. Les éditions de La Mer salée sont nées du désir d’écrire et de produire des livres tout en étant cohérent avec cette vision d’un monde plus humain. Les livres sont réalisés « dans le respect de l’environnement » et des idéaux défendus.

Choisir des partenaires locaux (imprimeurs, graphistes, metteurs en pages) induit un choix financier. Beaucoup d’éditeurs font imprimer à l’Est, La Mer salée, non ! Elle peut garder la tête haute et rester en cohérence. Avec cette conscience aiguë de l’impact écologique, la maison d’édition ne se limite pas à travailler localement. « Compenser notre empreinte carbone par notre mode de fonctionnement, compenser les déplacements et le coût écologique du livre », font partie d’un tout, un choix éthique. Face au nombre de livres condamnés au pilon, les éditeurs réagissent en travaillant avec RecycLivre qui, via un réseau d’économie sociale et solidaire, leur donne une seconde vie. Sandrine Roudaut le dit clairement : « Je ne m’imagine pas faire un métier qui d’une manière quelconque nuise aux autres. » Le soutien aux projets de reforestation devient logique. Et l’image de l’arbre planté fait force de symbole quand on a pour métier de réaliser des livres.

Loin du constat stérile de la théorie de l’effondrement

« Un livre comme Les Dessous de l’alimentation bio, de Claude Gruffat, permet de fortifier notre public naturel. » Sandrine Roudaut le constate : « Se nourrir est devenu le primo-engagement sur la voie des autres possibles. » L’alimentation, fer de lance du combat écologique, peut amener à l’éveil des consciences. Et il faut aller plus loin, proposer des pistes de réflexion. La Mer salée veut échapper au constat stérile du cataclysme. La pollution n’est pas une fatalité, Yannick Roudaut développe cette idée dans Zéro pollution. « L’espoir permet d’agir. » La Mer salée (qui jusqu’alors publiait des essais) s’est emparée d’un nouveau cheval de bataille : la fiction, l’autre levier pour ouvrir les consciences. Avec Siècle bleu, l’auteur Jean-Pierre Goux met en scène des activistes pacifistes qui peuvent changer notre impuissance face aux lobbys, face aux politiques.

Déconditionner les esprits constitue une grande part du combat. Aujourd’hui, le modèle économique de l’édition se cantonne à un ou deux best-sellers pour faire vivre les « petits » ouvrages. La disproportion va croissante entre les volumes à fort tirage et ceux à faible tirage. Et de s’entendre dire par son imprimeur : « Le jour où vous publierez un best-seller, vous irez imprimer ailleurs ! » « Ce n’est pas parce que l’on aura plus de moyens que l’on ira ailleurs ! » répond Sandrine Roudaut. Le profit maximal à tout prix n’est pas la priorité. L’imprimeur en question considère qu’il sera hors-jeu, car trop cher par rapport à la concurrence des pays de l’Est. Être moins concurrentiel que l’étranger devient une culpabilité. De tels schémas de pensée doivent être déconstruits. Travailler localement préserve l’environnement. Nous préserve. Le développement durable passe par un développement sociétal, les deux sont intrinsèquement liés. Il faut appeler à un plus grand respect des hommes et conséquemment… des travailleurs du livre. Rémunérer un auteur sur un salon ne doit plus être une exception. La pensée écologique engage une éthique des rapports humains.

Dans ce métier d’éditeur, très chronophage, qui vient en plus d’une activité de conférencier, l’énergie ne se compte pas. Sandrine Roudaut ne cesse de défendre avec conviction une vision positive d’un monde désirable. Le livre peut en faire intégralement partie.

Cet article est lié à