Dans Vibrionnante, Claudine Paque utilise la poĂ©sie pour Ă©voquer la mort dâun ĂȘtre cher et pour suggĂ©rer une nouvelle façon de travailler sur le dĂ©sarroi et la dĂ©tresse que cette mort nous laisse. Lecture de Claire-Neige Jaunet.
"On n'a pas besoin d'expliquer au corps blessĂ© comment cicatriser. Il sait faire". C'est en parlant Ă l'ĂȘtre aimĂ© qui nous a quittĂ©s, en lui parlant du dĂ©sarroi et de la dĂ©tresse que sa mort a laissĂ©s, que peut, peut-ĂȘtre, se faire la cicatrisation.
C'est en tout cas la voie choisie par Claudine Paque dans Vibrionnante, un texte bref, ramassĂ© sur l'essentiel, qui mise sur l'intensitĂ© des mots et l'authenticitĂ© d'un parcours. Quand tombe la nouvelle, ce sont d'abord les manifestations violentes du corps, "pliĂ© en deux", "poumons rĂ©tractĂ©s"... Un corps qui, momentanĂ©ment, va se rĂ©fugier dans le non ĂȘtre, hors du temps, sans gestes ni sensations, un corps qui s'abandonne aux bons soins de quelque "sentinelle" attentive. Car tout est investi par la "boule d'Ă©motions en Ă©tat de choc".
Mais le pouvoir de l'esprit veille, reprend en force, transgresse la disparition physique et la transforme en une "aura mouvante et chaude". "Tétanisée mais vibrionnante", voilà la clé. Il s'agit d'un travail d'alchimiste : "transformer le plomb" de la douleur "en or", rendre à la vie les objets et les images du disparu, accueillir celle que l'on est devenue à l'instant du choc et travailler à sa "mue".
Les illustrations de ValĂ©rie Linder accompagnent les Ă©tapes de ce chemin, oĂč le corps et les Ă©motions ne font qu'un. Les silhouettes des premiĂšres pages sont cassĂ©es, perdues dans la dĂ©multiplication et le rouge de la souffrance. Puis vient un "essaim d'abeilles amicales" qui vibrionnent dans un cercle de plus en plus solaire oĂč la lumiĂšre et l'Ă©nergie, plus que les mots, s'imposent. DĂ©sormais, la silhouette rouge est un corps unique face Ă lui-mĂȘme et aux autres, et gagne en prĂ©sence. Elle finit par se muer en un ĂȘtre redressĂ©, qui a retrouvĂ© un visage aux traits affirmĂ©s, aux yeux grand ouverts, et qui tient dans la main un beau symbole de vie: une fleur attirant une abeille. Elle est vĂȘtue de blanc, de ce mĂȘme blanc que la page sur laquelle tout peut s'Ă©crire et se rĂ©Ă©crire de nouveau. Si plusieurs mots rĂ©sonnent dans le terme "vibrionnante" (vibrer, vibrionner, Ă©tonnante...), on retiendra surtout la vibration de la vie qui irradie dans ce poĂšme en trois mouvements.
Vibrionnante, de Claudine Paque, illustrations de ValĂ©rie Linder, Ăd. Esperluette, 20 p., 9,90 âŹ, ISBN: 978-2-35984-079-7.