Vague, de John Ashbery

Publié le 07/03/2016 par Agnès Borget
Vague de John Ashbery
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Les éditions nantaises Joca Seria publient Vague, un recueil de poèmes de John Ashbery, initialement paru aux Etats Unis en 1984. John Ashbery, né en 1927, est considéré comme l’un des plus grands poètes américains de sa génération.

Vague est un recueil au sein duquel s’entremêlent poèmes en vers libres, en prose, ainsi que diverses formes littéraires comme le haïbun (composition littéraire à la croisée de la prose et du haïku) ou la “description d’un masque” (relation d’un spectacle allégorique, genre développé dans l’Europe du 17è siècle).
Le long poème qui donne son titre au recueil, Vague, donne la coloration de l’ensemble, où l’interrogation (de soi, des autres), le hasard et l’expérimentation sont les maîtres-mots  :

“(. . .) Il est amusant de gratter par-ci
par-là, 
De tomber par hasard sur quelque chose. Mais pour que la forme
vague et tendre 
Du décor prenne un sens, les mots doivent être physiquement expulsés, 
Une certaine netteté évitée au profit de la densité 
D’une opinion étayée vouée à se faner dans l’oubli  : pas trop linéaire, 
Sans trop d’enflure ni de distance non plus. (. . .)”

Tout au long des pages, le poète semble osciller, se retirer d’abord dans ses propres hésitations puis revenir en force, l’instant d’après, dans des exclamations furieuses et joyeuses  ; épousant en cela le mouvement de la vague  : incessants allers-retours entre la certitude et le doute. Ce mouvement permanent, insaisissable, propice à l’abstraction et à l’instabilité, peut à tout moment désarçonner le lecteur, le laisser en proie au questionnement, à la confusion, voire à l’incompréhension. Mais c’est justement là, dans cette sensation de confusion, que l’exercice de la lecture de Vague prend tout son sens, comme l’explique le traducteur du recueil, Marc Chénetier, dans sa passionnante postface  : “Ne pas saisir d’emblée (. . .), quand on est le lecteur, ce n’est pas être loin du poète  : c’est au contraire comprendre ce qui lui arrive, être en situation d’éprouver le même désarroi et le même sentiment d’incohésion que lui, pouvoir substituer une véritable sympathie à la nécessité de l’analyse.”

C’est à une lecture-jeu, une lecture-expérience que semble nous convier John Ashbery, nous invitant sans cesse, à travers le flou, le vague et l’imprécision, à faire intervenir nos propres associations d’idées, nos propres évocations d’images. En quelque sorte, ne plus lire le poète, mais l’accompagner.

Vague, de John Ashbery,  traduction de Marc Chénetier, Editions Joca Seria, 144pp., 21€, ISBN  : 978-2-84809-245-4