S’unir avec, le nouveau recueil de Paul Badin, retrouve ce qui faisait le rythme des journées, et les figures chères qui prenaient soin de nous, et des objets qui demeurent dans notre mémoire. Lecture de Claire-Neige Jaunet.
Il y a tant de choses pour S'unir avec, comme nous le dit Paul Badin dans son dernier recueil de poésie, en prenant pour guides l'héritage de René Char et le regard porté sur le déroulé d'une vie. Il y a déjà un fil à recomposer, en reprenant "par l'amont le chemin de halage", sans regrets inutiles et plutôt pour mesurer "le chemin parcouru". Et l'amont, c'est l'enfance, ce temps où "tout est possible (...) même si, au loin, le temps grignote".
Y retourner c'est retrouver ce qui faisait le rythme des journées, et les figures chères qui prenaient soin de nous, et des objets qui demeurent dans notre mémoire, des objets qui "émeuvent, construisent des vies, relient aux âges passés, présents, à venir". Plus tard d'autres liens s'imposent: il s'agit de s'unir avec la souffrance des autres, même du bout du monde, et même "de ton ennemi"; mais pour aller au-delà de la peur et des violences jusqu'au cœur de l'humain, pour s'unir avec la tolérance et "l'ancestrale fraternité".
Il faut aussi s'unir avec l'interrogation d'une journée qui commence, et avec la multiplicité des activités humaines; mais pour s'extraire des voies tracées et s'accorder à soi, car s'unir avec l'excès de vie jouissive, la surabondance, la tyrannie des postures à la mode et l'atrophie de la pensée, c'est s'unir avec "l'enfer sur la terre". Alors qu'on peut s'unir avec "l'énergie du soleil", avec le soir qui apporte "la porte de l'infini", avec les paysages qui nous relient à l'univers et aux éléments: la Grèce avec ses arbres, ses îles et ses pierres; la montagne avec ses lignes et ses couleurs changeantes ; la Provence avec ses reliefs offerts au mistral ; le Poitou avec ses églises romanes ; Lisbonne où tout porte la marque du temps ; les chemins de Compostelle où le marcheur redécouvre la communion du corps et de l'esprit ; et, peut-être les plus aimés entre tous, les paysages ligériens pleins de signes prometteurs : les ponts qui sont "appel à rencontres mutuelles", les bleus qui déclinent toutes leurs nuances, les eaux qui appellent le rêve... des paysages qui font triompher une "paisible respiration" propice à la détermination de "creuser droit son sillon, jusqu'au terme".
Comment s'unir avec tout cela, si ce n'est par les mots de la poésie, ces mots "impuissants face au massacre" et qui nous laissent "désarmés face aux peines des autres", mais qui sont cependant les seuls à pouvoir "dire les choses de la vie", et les seuls capables, au moment de boucler la ligne d'une vie, de nous unir avec l'équilibre et la sérénité.
S'unir avec, de Paul Badin, Éditions du Petit Pavé, 89 pp., 12 €, ISBN 978-2-84712-638-9