Dans Le Rêve armoricain, Stéphane Pajot rend hommage à Willy Wolf et à bien d’autres qui ont parcouru les rues nantaises. Un roman à tiroirs qui prend place dans notre ville de cœur. Lecture d’Amandine Glevarec.
Si je vous dis Transbordeur, Gobe-la-Lune et le commissaire Éric Chalmel, il y a une chance que nous échangions un regard de connivence, et un risque que vous écarquilliez les yeux, il y a une chance que l’on s’entende, et une chance que je vous apprenne, que je vous raconte, à mon tour, ce que notre écrivain, journaliste, historien, amoureux de notre patrimoine nous décrit ici, dans ce Rêve armoricain.
Le Rêve armoricain serait-il la preuve que la vie ne suffit pas ? Tirer un et puis des fils, les accrocher ou les raccrocher à ceux d’une réalité. Si vous avez tout à apprendre de Nantes dont vous ignorez jusqu’au bruit des pavés, faites confiance, tout, ou presque, est vrai, le reste n’est que littérature. Stéphane Pajot met en scène son journaliste Mathieu, double assumé. Ce gentil garçon qui racle le zinc pour user sa fatigue, qui trop amoureux d’une ombre s’y retrouve jeté. Là, déjà, nous avons fait un saut de puce dans le passé. Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin, remontons encore le fil des souvenirs, étonnons-nous de voir comme le présent rebondit sur le passé, comme le passé fait écho à notre présent, comment tout s’enchâsse, comment tous s’enlacent, les vivants et les morts. Histoire de filiation, histoire de transmission. Les clins d’œil, qu’ils vous parlent ou ne vous parlent pas, ajoutent mais ne retirent rien si l’on passe à côté, loin de l’intimité d’un journaliste qui est notre mémoire vivante, celle (aussi) de détails aussi anodins qu’une fléchette de sarbacane fichée dans le cou d’un pigeon ou qu’une peinture remisée loin du flash des photographes. Ce passage, d’un passeur, ouvre des perspectives bien plus globales que la forme d’une ville et que la silhouette de ceux qui l’ont arpentée, il décrit la mélancolie et le temps passé qui ne reviendra pas, les oubliés, les déportés, les envolés, les embrasés. Il ancre et encre.
Tenterait-on un parallèle, de nouer un fil ou deux, encore, on ne s’en lasse pas de cette broderie, entre ces hommes qui se jettent, entre ces hommes qui se cachent, entre ces hommes qui se répondent, sans le savoir, d’une époque à une autre, qui courent leur rêve en le frôlant à peine. C’est vertigineux le temps, il suffit de prendre de la hauteur, 50 mètres, guère plus, et de s’élancer, pour constater que rien, mais alors rien, n’arrive par hasard.
Le Rêve armoricain, de Stéphane Pajot, Éditions d’Orbestier, 160 p., 9,90€, ISBN 9782842383824.