Quatre amis inséparables découvrent une grenade dans un vieux manoir. Quand l’un d’entre eux arrive au collège le lendemain avec l’arme dans son sac à dos, la panique et l’effroi s’emparent du petit groupe.
David est un jeune collégien dont le banal quotidien se résume à se rendre en cours jour après jour. Son oxygène, il le trouve auprès de ses trois meilleurs amis, Jordan, Norbert et Lalie, ainsi que dans la pratique de l’écriture : “J’ai une collection de cahiers remplis de morceaux d’histoires, de débuts, d’idées, de scénarios.”
L’idée, ou plutôt la nécessité d’écrire au sujet de la plus grande peur de sa vie fait suite à cette journée interminable durant laquelle son ami Norbert s’est rendu au collège avec une grenade dans son sac. À travers son récit, le lecteur apprend comment les quatre amis sont tombés sur cette arme de guerre lors de la visite – interdite – d’un vieux manoir en instance de démolition.
On ne s’y attend pas. D’abord parce que le roman est court – une centaine de pages. Ensuite, parce qu’on s’imagine naïvement entrer dans un récit d’aventure un peu fantastique : la visite d’un vieux manoir abandonné, crasseux, sombre ; puis la découverte de la grenade.
Pourtant, très rapidement on comprend que non, il ne s’agit pas là d’un énième récit d’aventures du Club des Cinq version 2017.
La plus grande peur de ma vie est un fabuleux éveil des consciences – qu’il s’agisse de celle du jeune narrateur ou bien de celles des lecteurs. La question de la responsabilité individuelle et collective est au cœur de ce roman dénué de toute leçon de morale. Les réflexions qui traversent David au sujet de l’amitié, de la loyauté, de l’effet de groupe sont d’une finesse remarquable et, loin d’être anecdotiques, participent au contraire à créer un effet réfléchissant chez le lecteur : qu’aurions nous fait, nous, face aux diverses situations auxquelles se retrouvent confrontés David et ses amis ?
Éric Pessan, auteur nantais à la bibliographie fourmillante, ne se contente pas de nous livrer un roman jeunesse brillant au style fluide, à l’intrigue prenante et à la justesse psychologique irréprochable : en quelques lignes d’une pudeur exemplaire, loin de tout cliché, l’auteur ancre ses personnages dans un contexte social fragile – tous vivent dans la même cité – et dresse le portrait de familles très diverses mais toutes en proie, chacune à leur niveau, à la précarité sociale. Ce tableau esquissé en arrière plan de l’histoire principale donne aux personnages une maturité supplémentaire et rend le lien qui les unit encore plus fort.
On ressort de cette lecture submergé d’émotion, en souhaitant que tout collégien se retrouve un jour avec ce roman entre les mains.
La plus grande peur de ma vie, de Éric Pessan, Éditions École des Loisirs, collection Medium, 111 pp., 13,00€, ISBN : 978-2-211-23011-7.