Dans l’album Petits ou grands de Caroline Dall’ava se cache une invitation à la profondeur, sous le patronage de vieux sages, Bouddha et Swift.
Sur la couverture, quand le livre est fermé, on voit de tout petits personnages joyeusement grimpés sur un Bouddha souriant. Une fois la couverture déployée dans son entier, la situation se révèle plus ambivalente, le Bouddha se comprenant plutôt comme un Gulliver que des lilliputiens s’apprêtent à ligoter. Et voila résumée la proposition de Caroline Dall’ava: le monde n’est ni simpliste, ni binaire.
Allons donc nous promener dans ce pays dont la cartographie figure sur les pages de gardes. Flottant dans un océan d’un bleu délicieux, l’Ile des Petits est flanquée de la Presqu’île du Grand. Y cohabitent tout plein de Petits, filles et garçons, noirs ou blancs de peau, avec un unique Grand très costaud – à la fois bon poussah, hercule de foire et gros bébé.
Les Petits ont l’avantage du nombre et de la vitalité virevoltante, mais ça ne suffit pas à tout résoudre, notamment pas à gravir une haute tour. Leur voisin est ancré et massif mais trop de muscles gène parfois. Notamment pour pénétrer un étroit labyrinthe. Résultat ? La nécessité de se mettre ensemble pour arriver à vaincre les difficultés du quotidien. Même si on se bagarre il faut parfois faire alliance, lorsque surgit un ennemi commun. L’intelligence collective est un trésor essentiel.
Et puis, fonctionner en circuit fermé dans son petit univers c’est confortable mais limité car même sur une île, on se trouve à quelques encablures d’un continent, ici le “Royaume sans commune mesure”. Les pages de garde finales invitent à ouvrir les yeux sur l’échelle de notre univers, la leçon est secouante car le Géant vient écraser le grand de plusieurs têtes.
L’auteure nous invite ainsi à évoquer deux grands thèmes avec nos “petits” à nous, en commençant par questionner cette division du monde en “petits” et “grands” puisque le costaud de l’un se révèle toujours le minuscule d’un autre. On comprendra aussi que, aussi nombreux qu’on soit, on est limités si on reste parmi les mêmes. Seuls on n’est pas suffisants pour faire face à la complexité du monde.
Sous des dehors de joli objet (grand format, beau papier solide, images en aplats de belles couleurs) se cache une invitation à la profondeur, à une lecture systémique du monde, sous le patronage de vieux sages, Bouddha et Swift.
Petits ou grands, par Caroline Dall’ava, Éditions Albin Michel Jeunesse, 40pp., 15.90€, ISBN: 9782226318619. (Album à partir de 3 ans.)