Meredith Monk, une voix mystique — un livre qui n'est pas seulement un livre d'entretiens, mais qui encourage à la liberté et au cheminement atypique de l'artiste, à tracer son chemin à soi. Lecture par Emmanuelle Vitalis.
Écoutons Meredith Monk, chanteuse, actrice, danseuse et chorégraphe américaine née en 1942 : “Tout va trop vite et nous ne sommes pas nombreux à vouloir que cela ralentisse. (...) Aujourd'hui, il est possible de tout entendre (...). Il suffit d'aller sur YouTube. (...). Mais cette profusion peut entraîner la confusion. L'espace est saturé de sons, tout le temps. Comment trouver sa propre manière de chanter, faire éclore sa propre voix, dans ce brouhaha incessant ? (...). Il faut apprendre à faire suffisamment de calme en soi, autour de soi pour entendre l'essentiel (...).”
Je ne connaissais pas Meredith Monk quand j'ai commencé la lecture de ces entretiens publiés aux éditions Cécile Dufaut. J'ai découvert une femme qui m'a fascinée par sa détermination. Sa vision d'artiste échappe à tout formatage et autant de personnalité et de liberté fait du bien. Meredith Monk est très jeune partie en quête d'une nouvelle forme d'art pour exprimer ce qui était en elle, s'appuyant sur le chant, empruntant au spectacle, à la danse, à la vidéo, à la performance, et même aux principes du bouddhisme.
Ce livre n'est pas seulement un livre d'entretiens. Il encourage à la liberté et au cheminement atypique de l'artiste, à tracer son chemin à soi. Au fur et à mesure des pages, on y rencontre une personne et une profondeur rafraîchissantes.
Meredith chante sans utiliser les mots, parce qu'elle dit que la voix est une langue en soi, que la voix renvoie au commencement, à la toute première expression de la vie humaine. Or il n'y a pas besoin de mots pour ressentir ça. Les mots – des constructions humaines – deviennent superflus.
Elle préfère à la place chanter en mettant son corps en mouvement, et créer, selon ses propres termes, “des compositions d'images et de musiques”.
En plus de ses créations protéiformes, il y a une autre constante singulière dans la trajectoire de Meredith Monk, c'est la place qu'elle donne à ses collaborations. Elle ne perçoit jamais ceux qu'elle met en scène – chanteurs, musiciens, danseurs, acteurs – comme des simples outils au service de son art, mais comme vivants eux aussi l'expérience qu'elle est en train de créer.
D'ailleurs, elle dit qu'il faut plusieurs années à ceux qui travaillent avec elle pour comprendre sa musique, sa pensée, sa philosophie, pour “comprendre comment sa musique fonctionne”.
Ce livre d'entretiens est celui d'une aventure artistique et humaine. Avec beaucoup d'authenticité, elle y évoque ce qu'est la vie d'artiste, le processus de création, ses sources d'inspiration, la musique contemporaine, son mode de vie, ses passions, et la difficulté qu'il y a à s'imposer en tant qu'artiste femme dans les années 60-70.
Pour elle, l'art est avant tout une quête spirituelle qui représente un risque. “L'art pour l'art n'est pas la seule solution, nous dit-elle. Mais savoir qui l'on est, qu'elle est sa voix, sa voie et célébrer le monde: oui! L'art, tel que je le conçois, doit servir à méditer. Nos vies, nos expériences, peuvent nous y aider, à condition qu'elles soient revisitées, restituées par le filtre de notre sensibilité, afin de nous révéler notre propre authenticité.”
Meredith Monk, une voix mystique, Entretiens avec Jean-Louis Tallon, Éditions Cécile Dufaut, 140 pp., 18€, ISBN: 978-2-35018-375-6.