Inventer le jour, de Fabienne Thomas

Publié le 04/01/2016 par Clodine Bonnet
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Clodine Bonnet lit le nouveau roman de Fabienne Thomas, Inventer le jour - l’amour inconditionnel lorsque rien ne va plus.

Lire le troisième roman de Fabienne Thomas, prévoir du temps devant soi, penser qu’il sera difficile de le lâcher, comme les précédents. Ne pas se tromper.

Se mettre  en compagnie de Louis, comme on se met en chemin de soi. DĂ©couvrir petit Ă  petit, ce qui fait de lui, ce personnage si près de nous. Rien n’est dĂ©finitif, ni l’amour, ni le dĂ©samour, ni la rĂ©sistance, ni l’abandon. Tout est mouvant, tout est sinuant. Fabienne Thomas nous le montre bien. Nous n’avançons pas ici en ligne droite mais en mĂ©andres de souvenirs en perte de souvenirs. C’est Anna qui perd la mĂ©moire ; Louis, lui, perd ses certitudes, comme nous tous certainement, si nous prenions le temps de remonter Ă  la source. Le vieil homme laisse la clef de sa maison — de leur maison — accrochĂ©e au clou “comme un petit totem, gardien des lieux” et s’en va Ă  pied. Nous lecteurs, sommes Ă  ses cĂ´tĂ©s, aussi bien dans la lumière de juin prĂ©sent que dans les saisons d’avant. TranspercĂ©s de flashs, habitĂ©s de rĂ©flexions ou dĂ©munis, perdus, attristĂ©s devant l’évanouissement d’Anna.
Ici, l’écriture tout en délicatesse et en poésie n’est pas dupe de ce qui se joue. Et si l’émotion parfois nous étreint un peu trop fort, si Louis serre sa peine contre nous, Fabienne nous offre une nature faite d’herbes et d’écorces et nous y entraîne pour une plongée apaisante.

Un rĂ©cit impliquĂ© et pourtant bienveillant envers chacun  : “Louis ne sait plus très bien oĂą est sa place. (. . .) Il aurait dĂ» ĂŞtre attentif Ă  l’effacement des choses, attentif Ă  elle. Le pĂ©rimètre de l’univers d’Anna s’est rĂ©trĂ©ci et il a refusĂ© de le voir. Il sait combien l’être humain est capable de rester sourd et aveugle aux Ă©vènements du quotidien qui le blessent, le bousculent, dĂ©fient son entendement. Il essaie de se trouver des circonstances attĂ©nuantes. Il s’en veut.”

Dans ce roman comme dans les prĂ©cĂ©dents, pas de jugements, pas de caricatures, mais de l’amour toujours. De soi  ? De l’autre  ? Le noir de la vie n’est pas niĂ©, la vie complexe, parfois violente  : “la nouvelle Anna, celle qui surgit parfois dans une tempĂŞte de violence hirsute et de cris stridents, Ă©prouve son dĂ©vouement, sa gĂ©nĂ©rositĂ© et sa patience”. Ă€ nouvelle Anna, nouvel amour  : “aller plus loin, plus profond pour le chercher”. Inventer le jour. Ici comme dans L’enfant roman, l’auteure nantaise nous parle de l’amour inconditionnel lorsqu’apparemment rien ne va plus. Ă€ savoir que son prĂ©cĂ©dant livre, L’enfant roman, a reçu le prix Handi-Livres 2015.

La mémoire défaillante et celle envahissante, le deuil, l’attachement, l’écho de la nature, l’attention à l’autre, sont les maîtres mots de Fabienne Thomas qui propose par ailleurs des ateliers d’écriture, des accompagnements à l’autobiographie.

Fabienne Thomas, Inventer le jour, Editions Passiflore,
204 pp., 19,50€, ISBN  : 978-2-918471-43-1.