Vertige et sueurs froides dans le grand Nord ! La dernière bande dessinée de Tanquerelle, Groenland Vertigo, évoque une expédition maritime, mais aussi l’art contemporain. Lecture de Patrice Lumeau.
Groenland Vertigo, le dernier né de Tanquerelle fait la part belle à l'aventure avec une expédition maritime qui rappelle les aventuriers du siècle passé mais avec un objectif bien différent que l'exploration. Ici il est question d'art contemporain !
Ici, dès le départ, les personnages nous font lorgner tendrement du côté de Hergé. Même le nom du personnage principal : Georges Benoît-Jean. Il pourrait aussi bien s'appeler Gébéji. Ce sont en fait les autres prénoms de Tanquerelle. C'est donc l'histoire d'un dessinateur qui n'aime pas les voyages mais se retrouve à bord d'un navire, entouré de scientifiques et d'artistes, en route vers le Groenland.
Sur ce navire, on croise un cousin de Haddock, un écrivain pipe entre les crocs, qui a un penchant pour la bouteille. Le héros-dessinateur est un croisement entre un Tintin angoissé et un des frères Dupond Dupont (pour leur capacité à déclencher des bévues). L'artiste contemporain de service est un Tryphon Tournesol qui aurait oublié d'être gentil. Embarqué dans ses délires, il occulte le message de son œuvre, le tintinophile averti aura en fait reconnu l’insupportable milliardaire de Vol 714 pour Sydney.
Très classique dans la narration, l'album nous entraîne dans une expédition comme on n'en rêve plus. Inspiré de l'expédition que Tanquerelle a vraiment effectuée avec Jørn Riel, le récit est un véritable “racontar”, selon la définition de l'écrivain danois: “Un racontar, c’est une histoire vraie qui pourrait passer pour un mensonge, à moins que ce ne soit l’inverse.”
À naviguer entre la fiction et l'autobiographie, Tanquerelle parvient aisément à nous enrôler dans son histoire. L'aventure truffée de références à Tintin, recèle d'authentiques anecdotes sur le grand Nord, comme cette caisse de si bon whisky disparue mais qu'un prétexte livresque pourrait faire revivre.
L’auteur s'amuse à mêler le vrai au faux, ainsi de ce carnet de voyage qui aurait pu manquer de grand vent, il parvient par le biais de la fiction à faire décoller l'histoire.
Tanquerelle assume son hommage non dissimulé et en joue. “Quand je représente les personnages, ma ligne est claire, d’inspiration hergéenne – j’ai même demandé à la coloriste Isabelle Merlet d’ajouter des points rouges sur leurs joues, comme dans Tintin. Mais les décors sont plus réalistes, à l’aquarelle et au lavis”.
D'ailleurs on aurait aimé parfois des pauses picturales pour profiter encore plus de la beauté des paysages du grand Nord. Paysages menacés, tout comme la planète, par la bêtise humaine et le réchauffement climatique, Tanquerelle ne manque pas de nous le rappeler.
Groenland Vertigo de Hervé Tanquerelle, Éditions Casterman, 104 pp., 19€, ISBN: 9782203103948.