Fun et More Fun, les deux nouvelles bandes dessinées de Paolo Bacilieri. Voici l’énigme : “Petits carrés qui font tourner en rond, voire en bourrique (onze lettres) !...” Lecture de Patrice Lumeau.
L'histoire des mots croisés contée dans des cases au noir et blanc cher aux cruciverbistes, Paolo Bacilieri la décline avec Fun et More Fun (deux volumes). L'auteur remonte à la création de ce passe-temps en 1913. Il retrace ensuite l'aventure des mots-croisés, dans un enchevêtrement d'histoires mais aussi de styles qu'il fait varier à sa guise.
Les deux albums sont déclinés en noir et blanc et en bichromie (vert-noir, rouge-noir, bleu-noir), très peu de quadri. Le dessin s'adapte à volonté aux désirs narratifs de son auteur. Par son style et/ou par la couleur, ce dessin délimite les frontières d'histoires qui se croisent et se recroisent.
Avec une habileté déconcertante Paolo Bacilieri nous entraîne d'un univers à un autre. Le fil conducteur est la rencontre d'un jeune auteur de BD, Zeno Porno et d'un érudit d'écrivain, Pippo Quester. Ce dernier est en train d'écrire un ouvrage sur les mots croisés... Tout ce petit monde évolue en Italie. Cependant l'auteur nous emmène, au fil de l'histoire de ce jeu de mots, dans de nombreux voyages autour du monde. Nés dans la presse aux États-Unis, les mots croisés n'ont pas tardé à envahir la planète et à acquérir leurs lettres de noblesse.
Comme dans une grille digne de ce nom les deux personnages principaux, l'un plus vertical l'autre plutôt horizontal, forment l'ossature du récit. À ces deux protagonistes viennent se greffer d'autres personnages, d'autres histoires, parfois sans lien aucun (ou presque), des histoires sans issue. Analogie avec la grille où la découverte d'un mot n'est parfois qu'une impasse et n'aboutit pas à l'avancement des autres énigmes/définitions. Un pur moment de “fun” avec ce super héros gangster qui, sous la menace d'une arme, contraint les passagers d'un tram à remplir une grille de mots croisés. Et ce en moins d'une demi-heure !
Les deux ouvrages sont truffés de références culturelles. Une seule lecture ne peut révéler à elle seule la richesse de ces références. Bacilieri en joue (trop?) et truffe son récit de clins d'œil cinématographiques, littéraires voire d'art contemporain. Figure en bonne place, l'habilité intellectuelle d'un Georges Perec au cœur du milieu littéraire des années soixante-dix.
Bacilieri nous ballade donc dans une histoire des mots croisés sur laquelle vient se greffer en plus de nos deux cruciverbistes avertis, une intrigante jeune fille. Confuse et un brin situationniste cette Mafalda pimente le récit d'une manière explosive et quasi inexplicable. Est-ce important ? On peut s'amuser, avoir “more fun”, sans pour autant saisir tout de l'essence de cette joie.
Fun, de Paolo Bacilieri, Traduit de l'italien par Silvina Pratt. Éditions Ici Même, 144 pages, 22€, ISBN: 978-2-36912-016-2.
More fun, de Paolo Bacilieri, Traduit de l'italien par Silvina Pratt. Éditions Ici Même, 144 pages, 24€,
ISBN: 978-2-36912-028-5.