Avec son roman ado, Dans la forêt de Hokkaido, Éric Pessan raconte les aventures de Julie qui, chaque nuit, se retrouve dans le corps d’un petit garçon japonais, abandonné dans la forêt d’Hokkaido par ses parents. Une sorte de Petit Poucet, sans ogres à la Perrault, mais avec de vrais ours dedans. Lecture d’Amandine Glevarec.
Il aura fallu tout l’amour que je porte aux écrits d’Éric Pessan pour me convaincre de me plonger dans un bouquin ado, Dans la forêt de Hokkaido. J’avoue ne pas avoir été (pourtant) déçue du voyage. Nous n’allons pas lister ce qui manque pour en faire un bouquin adulte, zéro intérêt, et – a priori – zéro différence pour l’auteur. Attardons-nous sur l’histoire. L’exergue (Stephen King et Edgar Allan Poe) ne laisse pas l’ombre d’un doute, voici un hommage bien senti aux lectures mi fantastiques, mi terrifiques, celles de notre jeunesse aux nuits si blanches et si longues, là où notre réalité pouvait encore s’accorder le droit de légèrement dérailler. Julie, quinze ans, a une sensibilité exacerbée au monde qui l’entoure, une tendance à deviner des choses qu’elle ne devrait pas savoir, ce qui ne l’effraie pas vraiment finalement, tant que seul son ami Elliot est au courant. Cela se complique, nerveusement et physiquement, lorsque, chaque nuit, elle se retrouve dans le corps d’un petit garçon japonais, abandonné dans la forêt d’Hokkaido par ses parents. Une sorte de Petit Poucet, sans ogres à la Perrault, mais avec de vrais ours dedans.
Si l’histoire d’Éric Pessan n’hésite pas à emprunter certains faits tirés de la réalité, il s’accorde aussi un fantastique diffus et pas du tout contrariant pour les allergiques au genre. Très vite, on s’habitue à l’idée que cela est vrai, possible, plausible, qu’importe, l’important étant de s’avoir ce qui va arriver à ce pauvre môme et à notre Julie qui dépérit à vue d’œil. C’est finalement plutôt une histoire d’empathie qu’une histoire de télépathie. Empathie sublimée et positive, un beau message transmis à notre génération future. Un brin de politique aussi quand trois migrants sont recueillis par le père de notre jeune fille. L’homme qui lutte est peut-être le seul adulte vraiment heureux dans cette histoire, encore un appel du pied non dépourvu d’intelligence. Enfin, un secret de famille sera dévoilé au grand jour, une drôle de coïncidence qui expliquera sans doute ces drôles d’événements.
Il est certain que le style (adulte) d’Éric Pessan est passablement simplifié dans cette histoire adolescente, mais c’est fluide et sans rien qui accroche. Il y a surtout un joli travail fait sur les pronoms personnels, qui n’hésitent pas à se mettre au pluriel alors que les adjectifs restent au singulier (dans l’idée 1 + 1 = 1). Sur le site de l’éditeur, la lecture est conseillée à partir de 16 ans, vous connaissez mieux vos gosses que les miens, mais d’après mon humble avis d’ancienne libraire (et toujours très optimiste sur la jeunesse), il me semble que rien dans cette histoire ne devrait les empêcher de dormir à 14 ans bien tassés. Nous sommes dans le domaine du conte, et même si la fiction dépasse (finalement) rarement la réalité, il est des vérités et des prises de conscience qui permettent de grandir, ni trop vite, ni trop durement, juste pour s’éveiller à l’idée que non, tout n’est pas rose, mais que oui, il y a de l’amour.
Dans la forêt de Hokkaido, d'Éric Pessan, École des Loisirs, 132 p., 13,00€, ISBN: 9782211233668.