El Mesias met en scène le conflit politique et économique qui anime un village andalou. Pour Élisabeth Sourdillat, qui lit ce “documentaire en bande dessinée avec un brin de fiction”, il s’agit d’un moment de l’histoire espagnole qui parle bien de notre époque, où que ce soit en Europe.
L’éditeur nantais Vide Cocagne poursuit son travail militant en nous emmenant en Espagne, où on verra que les combattants de l’ordre social sont aussi virulents que par chez nous. En lisant ce récit, entre documentaire et western tortilla, nous vivons un moment de l’histoire espagnole qui parle bien de l’époque, où que ce soit en Europe.
Les auteurs nous font le récit d’un moment de l’histoire de Marinaleda, village andalou sans loi ni police, où tout le monde travaille la terre, où les décisions sont prises pas les habitants, où tout est gratuit, sous la poigne d’acier de leur maire. “Un ilot de justice sociale entouré par la tyrannie du capitalisme”, voilà le programme, dont le vocabulaire même annonce clairement la couleur.
Deux personnages se rencontrent, qui animent le récit. Celui-ci s’ouvre sur la chute d’El Pocero, le self-made man. Dans son enfance de petit garçon pauvre dont le père est égoutier, il incarne l’ascension sociale en devenant un richissime entrepreneur immobilier. Argent, politique, trafics d’influence, voilà son credo – ce qui signe sa perte. On le voit finir dans une utopie qui le mène à vouloir construire une ville toute entière, qui porterait son nom, au moment le vent tourne, puis c’est la crise immobilière, la chute.
À l’autre bout du spectre, l’anticapitaliste Jesus Sanchez est maire de Marinaleda et a porté son village vers une autre utopie, sans loi ni police, communautaire et égalitaire. La figure de cet homme y est omniprésente. On rentre tout de suite dans le vif, tous les habitants sont en réunion, le maire fait un discours virulent, il écume, il cite la Bible, ses propos sont pacifistes, pourfendent les capitalistes et les bourgeois. Plus tard, on le voit siéger au parlement de la région, refusant tout compromis avec le parti socialiste local, ne bradant rien, campant sur ses positions.
Le lecteur jugera pour lui-même. La situation a ses limites, incarnées par la révolte d’une jeune fille du village, empêchée d’aller à l’université faute de moyens financiers. Cependant, depuis 1979, Marinaleda reste fidèle à son organisation politique.
Le dessin au trait noir de Wauter Mannaert sert le propos, documentaire en bande dessinée avec un brin de fiction. Il est à l’évidence nourri d’archives et sérieusement documenté, ancré dans les préoccupations humaines, sociales et politiques des auteurs.
Rafraîchissant en ces périodes électorales.
El Mesias, Mark Bellido (scénario) et Wauter Mannaert (dessin), traduit du néerlandais par Dominic de Clercq, Éditions Vide Cocagne, Collection Soudain, 288 pp., 22€, ISBN: 979-10-90425-82-8.