Demain l'instant du large, de Luce Guilbaud

Publié le 30/10/2017 par Claire-Neige Jaunet
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Demain l'instant du large, le nouveau recueil de poésie de Luce Guilbaud, est une invitation au voyage. Mais ce voyage en cache un autre. Lecture de Claire-Neige Jaunet.

Demain l'instant du large : ce titre du dernier recueil de Luce Guilbaud, avec l'expression qu'il porte en creux, prendre le large, est bien une invitation au voyage. Dès les premiers poèmes, un demain fait de mouvement est lĂ  : "tu suivras...", "tu iras...". La destination reste incertaine, ce peut ĂŞtre "vers toujours plus de terre", "vers l'Ă©clair", "vers le large"... Comme si le but Ă©tait moins important que l'impulsion, que l'Ă©lan "qui te pousse et roule vers l'avenir" et qui place dans l'attente de ce qui va advenir.  

Cet Ă©lan, il est donnĂ© par "l'appel des conques marines". C'est l'univers marin qui attire et va porter le voyage : les voilures qu'il faut hisser et manĹ“uvrer, les ports et les escales, un horizon "entre ciel et mer", la voix des vagues, et les "plaines abyssales" ; un lieu particulier fait de beautĂ©  tout autant que de dangers : tornades, noyades, colères, tempĂŞtes, gouffres... Toujours "la menace sous la coque", la peur n'Ă©pargne mĂŞme pas les marins aguerris. Pour compagnon de route : les vents, tantĂ´t "solidaires" tantĂ´t "dĂ©peceurs", et parfois "ricaneurs". Et le voyage est sans cesse recommencĂ© : "dĂ©part", retour", "repartir", "revenir". Le propre de l'instant du large est la rĂ©pĂ©tition : "Tu reviendras dans mes bras d'ocĂ©an".

Mais ce voyage en cache un autre. Il est la mĂ©taphore de celui des nuits blanches et de leurs "heures Ă©tirĂ©es" dans "l'attente et l'ordre de l'Ă©criture", Ă  traquer dans l'ocĂ©an des mots ceux qui font le mieux naviguer dans la "mer intĂ©rieure", ceux "qui connaissent mes marĂ©es". Alors toute eau devient bonne, celle de la mer comme celle de la rivière ou de l'estuaire. On peut mĂŞme lui "tourner le dos" et contempler la terre, puisque l'eau du "trajet liquide"  est en nous. 

Et cette mer qui nous appelle pour la parcourir sans cesse et l'explorer, c'est aussi la mĂ©taphore d'un autre abyme : "en entrant dans la mer j'ai roulĂ© dans le temps". Car la mer nous porte vers des mondes dĂ©funts, celui des sirènes, des dieux de l'Olympe, des ruines, des caravelles... Et nous porte surtout vers le sillage tracĂ© derrière soi, vers les "trĂ©sors perdus": "tous mes absents sont au large". Prendre le large, c'est aller de l'avant dans l'espace comme dans le temps. Il y a une totale analogie entre "repousser l'horizon" et "repousser l'avenir".  Comme les marins de jadis, il s'agit de trouver le passage "quand le ciel aura changĂ© la place des Ă©toiles".

Demain l'instant du large, de Luce Guilbaud, Ă‰ditions Lanskine, 51pp., 12€, ISBN 979-10-90491-47-2.

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