Déas entre pierre et ciel, de Marie-Hélène Bahain

Publié le 07/12/2017 par Thierry Bodin-Hullin
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Dans son dernier roman, paru chez un tout nouvel éditeur ligérien (Terres du couchant), Marie-Hélène Bahain nous ramène sur les lieux de la construction de Déas, l’abbaye de Saint-Philbert de Grand-Lieu. Un récit empreint d’une grande humanité et très contemporain. Lecture de Thierry Bodin-Hullin.

Déas ou l'élévation des âmes

Déas entre pierre et ciel est un récit en quatre tableaux.  Au IXe siècle, quatre personnages, une femme, deux hommes et un enfant convergent vers un lieu, l’abbaye de Déas. À la croisée de leurs chemins, à l’occasion de leurs rencontres, dans l’entremêlement de leurs destins, il leur est donné de mieux comprendre le sens de leur histoire, et de trouver guérison de leurs blessures.

Il y a d’abord Erda qui “ignore où elle va. Elle n’a plus rien, ni une larme ni la liberté dont elle ne possède pas même le nom”. Malgré les outrages subis, la solitude et l’acharnement du sort, elle a le courage de partir. Elle avance sur les chemins avec les plus démunis vers une destinée qui lui permettra d’être enfin reconnue et d’exister.

Perric, le tailleur de pierre, laisse la vie misérable qu’il mène à ses nombreux frères, il  part vers le chantier dont il a entendu parler, vers cette abbaye qui emploie des bras. Alors qu’une chute l’amène aux portes de la mort, il renaîtra avec plus de vigueur au service de la communauté : “Partout on remarque son adresse et son empressement à satisfaire les demandes.”

Déodat est un prêtre tourmenté par son passé. Il “voue haine à la lumière” tant la honte de ce qu’il a été le tiraille. Il remonte le cours des événements qui ont brisé sa jeune existence. Au prix d’un long calvaire intérieur, il parvient enfin à s’en délester, à se regarder  avant de tourner son regard vers les autres.

Quant à l’enfant, le dernier personnage qui clôt le récit, il est le miraculé des affres de la vie. Il survit, porté par les femmes et hommes croisés ainsi que par l’élan divin qui s’échappe de Déas.

Malgré une époque, une construction et un sujet différents,  Déas entre pierre et ciel est un récit qui n’est pas si éloigné de ceux déjà publiés par Marie-Hélène Bahain. Il poursuit une série de portraits de femmes et d’hommes meurtris qui cherchent leur salut dans le regard de l’autre. Avec une écriture toute en nuances, hyper sensible, l’auteure sait décrire sans complaisance l’horreur et la misère, tout autant la complexité des êtres, la sensualité des corps et la beauté des âmes. 

Difficile en lisant ce roman fort et puissant de ne pas faire le lien avec l’actualité. Tous ces êtres qui fuient leur pays à la recherche d’une terre d’asile, ces migrants qui fuient la guerre, la barbarie et la haine, cherchent pareillement à se sauver, dans les deux sens du terme. Quelle maison pour les accueillir avec dignité et salut ? À la fin du récit, la femme qui porte l’enfant dans ses bras “arrive devant l’édifice, elle est à bout de résistance, brisée. […] Telle une sève qui descend, le flux des malheurs sort de l’édifice, une lumière mystérieuse éclaire les visages, des chants de louange s’élèvent.” Dans un monde qui ferme ses portes, nous avons beaucoup à apprendre de Déas.

Marie-Hélène Bahain, Déas entre pierre et ciel, Terres du couchant, 112 p., 12 €, ISBN  : 978-2-9561010-0-0.