Dachenka, de Karel Čapek

Publié le 11/04/2016 par Elisabeth Sourdillat
Dachenka par Karel Čapek
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Enfin une version complète d’un classique de la littérature jeunesse mondiale : Dachenka par Karel Čapek

Encore un très joli cadeau des Éditions MeMo, dans leur inlassable travail de réveil du patrimoine de la littérature jeunesse. L’ouvrage original de Dachenka ou La vie d’un bébé chien, par Karel Čapek (grand écrivain tchèque et l’auteur notamment de la pièce de théâtre de science-fiction R.U.R., où paraît pour la première fois le mot “robot”), n’avait jamais été édité dans sa version complète en France. Paru à Prague en 1933, cet album sent bon le constructivisme dans la simplicité de la mise en page, la place faite à la géométrie, jusque sur la couverture même.

Déjà au simple feuilletage du livre, on se régale. Les dessins au trait noir qui croquent le couple mère/chiot ! La belle typographie bien ronde ! Et les photographies — ce noir et blanc, ce format carré, devenus le comble du chic ! Toute cette entrée en matière visuelle nous invite à sourire de cette petite chienne attendrissante — “quand cela naquit, ce n’était qu’un petit rien blanc, cela tenait dans le creux de la main” —, mais redoutable, et donne envie de plonger dans le texte.

Car Dachenka, “écrit, dessiné et enduré par l’auteur à l’attention des enfants”, est le récit truculent — et poilant — de l’arrivée d’un bébé fox-terrier dans la maisonnée de Karel Čapek. Quelle rigolade que ce chiot, quelle tendresse dans le récit drolatique qu’en fait l’auteur. Car très vite c’est sauve qui peut ! L’animal aurait dû être baptisé Catastrophe ou Patatras. La maisonnée, cuisinier inclus, est sur les rotules, les rideaux sont en lambeaux et la chienne-mère l’ombre d’elle-même… On finit par donner Dachenka ! Mais voilà, tout le monde déprime…

Notre auteur retourne son humour contre lui-même dans ses conseils pour photographier un jeune chien. Stratagèmes, ruses, rien n’y fait. “Faites vous-même l’expérience”, conclu un Čapek épuisé.

Mais qui finit par nous donner le tuyau : huit petits contes pour qu’elle reste bien sage pendant les poses ! Ça a l’air de bien marcher, puisque l’ouvrage se termine sur un très joli portfolio de clichés immortalisant bébé chien. On verra donc — oh miracle, on n’y croyait plus — “Mademoiselle Dacha” enfin sage comme une image.

Des photos ont un grain magnifique, puisque les tirages d’époque ont été numérisés sur place par les Éditions MeMo, dans la maison même où elles ont été prises, conservée par la Ville de Prague. Elles sont reproduites ici pour la première fois depuis 1933. Le récit seul de la réédition de ce classique de la République tchèque suffirait à faire un livre. On retiendra l’émotion des imprimeurs tchèques lorsque pour la première fois de leur vie ils ont vu pour de vrai les images de leur livre d’enfance. Un livre moultes fois réédité de par le monde mais dans des versions galvaudées, remaniées, tronquées, incomplètes — dans toutes les langues et les formats, parfois bien loin de la beauté de l’original. Voici maintenant une magnifique édition française, fidèle à l’original.

Dachenka ou La vie d’un bébé chien par Karel Čapek, traduit du tchèque par Anna et Jacques Arnaudiès, Éditions MeMo, 104 pages, 24€, Ean 9782352892557