Crache trois fois, de Davide Reviati

Publié le 05/10/2017 par Patrice Lumeau
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“Sputa tre volte”. Crache trois fois, un roman graphique dense et ambitieux oĂč en filigrane d'une histoire d'adolescents se dessine l'histoire tragique des Tziganes, par Davide Reviati. Lecture de Patrice Lumeau.

Crache trois fois. Conjurer le sort. “RĂȘver d'enfants c'est comme rĂȘver de diables. Ce n'est pas une bonne chose”. C'est peut-ĂȘtre pour ça que le roman graphique de Davide Reviati commence ainsi, un rĂȘve qui nous plonge dans l'univers de Kipling. “Tu seras un homme mon fils” pourrait ĂȘtre l'exergue de circonstance. Et le gamin qui fait ce rĂȘve n'en est plus vraiment un gamin. C'est un ado, Guido. Il est Ă  la croisĂ©e des chemins, il piĂ©tine au lycĂ©e, il erre, goĂ»te et dĂ©guste, se dĂ©goĂ»te. La vie est lĂ  avec ces quelques possibles et aussi ces “sans-issue”.

L'auteur Italien nous plonge dans l'univers adolescent avec tout ce qu'il contient de violence et de fragilitĂ©. Et de questionnement. Sortir de l'enfance n'est pas une mince affaire. Le dessin de Davide Reviati sait se faire rĂ©aliste ou plus expressif selon les besoins de la narration, il sait dĂ©nicher les moments doux les moments durs. Avec virtuositĂ©, l'admirable crayonnĂ© noir se lie ou se dĂ©lie, du rĂ©el au rĂȘve. De l'enfance on en sort un peu comme on Ă©merge d'un songe, les rĂȘves se dissolvent non sans douleur.

Davide Reviati esquisse en finesse, le mal ĂȘtre, le dĂ©sƓuvrement. Le dessinateur est subtil. Son trait sait se faire lĂ©ger, le noir en Ă©quilibre trouve toute sa place. Quand il raconte le racisme trop ordinaire ou bien le gĂ©nocide qui frappe les Tziganes durant la seconde guerre mondiale, l'auteur ne s’appesantit jamais.

Cette bande d’ados (fin des annĂ©es soixante-dix ?) a du mal Ă  trouver sa place dans ce monde terne. Les centres d'intĂ©rĂȘts sont minces : le bunker en campagne oĂč fumer de l’herbe en paix, les parties du billard au cafĂ© du coin, la baignade... Au lycĂ©e technique l’avenir a sĂ©chĂ© les cours. Puis il y a cette famille qui habite en marge de la ville, en marge de la sociĂ©tĂ©. En particulier dans cette famille Tzigane il y a Loretta, une fille un peu sauvage qui bouscule au propre comme au figurĂ© le narrateur et ses amis. Les tensions sont des verrous que forcent les ados. La violence des rapports humains, les crasses entre ados affleurent en continu.

À la fin de l'ouvrage, comme en rĂ©sonance avec l'histoire de Guido, on Ă©coute ce sincĂšre mea culpa du lettrĂ© Ă  la “poupĂ©e”, l'histoire de Papusza et Ficowski, la poĂ©tesse Tzigane et l'intellectuel Polonais. Un hommage touchant Ă  la culture Tzigane qui, quand elle n'est pas niĂ©e, est souillĂ©e par l’ignorance. Davide Reviati nous jette ce pavĂ© graphique sans aversion, mais le lecteur en soupĂšse toute l'amertume adolescente. La violence des hommes a fracassĂ© l'enfant a jamais.

Crache trois fois, de Davide Reviati, Ă‰ditions Ici MĂȘme, traduit de l'italien par Silvina Pratt, 568 pp., 34 €, ISBN: 978-2-36912-031-5. 

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