L’administrateur provisoire, de Alexandre Seurat

Publié le 12/12/2016 par Christian Dorsan
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Dans son deuxième roman, L'administrateur provisoire, Alexandre Seurat réanime les ombres du passé. Lecture de Christian Dorsan.

Alexandre Seurat redonne corps aux fantômes qui hantent les petites histoires de l'Histoire. Le livre débute sur l'enterrement du frère du héros, et l'ambiance de ces affections va révéler un secret de famille : durant la deuxième guerre mondiale, l'arrière-grand-père était employé par le régime de Vichy au titre d'"administrateur provisoire”.

Ce fonctionnaire, rattaché au Commissariat général aux questions juives, gérait les entreprises ou les biens des juifs. Avec un certain zèle et beaucoup d'obséquiosité, Raoul H. mène cette tâche de spoliation avec détachement, outrepasse ses droits, s'enrichit et menace. Nous suivons en parallèle le destin de deux de ces familles juives suivies par le fonctionnaire, dont aucun des hommes ne reviendra des camps.

La force du livre est de mélanger les histoires, les deuils et de faire vivre au présent le passé. C'est grâce à cette écriture que les non-dits d'une famille deviennent un véritable langage, un mode de vie qui affecte, conscient ou non, les relations intergénérationnel. “C'était l'époque, c'était comme ça” répètent les descendants pour s'excuser de ce silence à défaut de pardonner. L'administration française a du talent et même a su démontrer du génie dans la mise en place et la réglementation d'une politique de haine.

Alexandre Seurat a effectué un véritable travail d'historien pour nous présenter un portrait froid et réaliste de Raoul H., mais aussi le rapport que l'on peut avoir face à ces révélations. Il reste cependant, comme dans tout secret de famille révélé, une sorte de révolte, de culpabilité et d'incompréhension, qui poussent le héros à une enquête sur ce passé honteux qu'il faut affronter: “Ces visages (...) m'attendent (...), me devancent puis disparaissent. Peut-être qu'ainsi naissent les fantômes, quand je me réveille la nuit.”

On ne lit pas ce livre, on le dévore : la forme au présent de l’indicatif, le mélange des époques, la quête du héro et le silence qui a fini par ronger le frère, maintiennent un suspens sur toute la durée de la lecture et nous ne lâche pas jusqu'à la dernière page.

L’administrateur provisoire, d’Alexandre Seurat, Éditions du Rouergue, 192 pp., 18,50 €, ISBN: 978-2-8126-1104-9.