Avec ses petites histoires qui font la grande, l'auteur nantais Stéphane Pajot invite ses lecteurs à découvrir par le trou de la serrure la ville qui l'inspire, dans tout ce qu'elle a d'insaisissable et d'insolite.
Le rapport d’un habitant à son environnement se construit autour de souvenirs et de vécu. Chez Stéphane Pajot, qui se décrit comme un raconteur d'historiettes adepte de l'insolite au coin de la rue, cette relation est aussi le fruit d'expériences sensorielles : le contact avec le bâti urbain, l’animation des rues, l’environnement sonore... Au fil de ses ouvrages de mémoire et de ses romans, l'auteur originaire de Nantes construit une œuvre qui fait de ses rues le territoire de l'informel.
On peut croiser cet amoureux de Nantes dans ses lieux de prédilection : le café la Perle, les librairies, le cimetière Miséricorde, "sorte de Père Lachaise nantais", le Passage Pommeraye avec son angelot qui lit pour l'éternité ou encore le Nid, au sommet de la tour Bretagne. Les nombreux ouvrages qui jalonnent l'oeuvre de Stéphane Pajot (romans, livres de mémoire et calendriers, parus pour la plupart aux éditions d'Orbestier) se consacrent largement à l'histoire de la ville de Nantes, explorée à partir de ses lieux emblématiques et de ses trésors cachés.
Pour s'approprier le patrimoine nantais, Stéphane Pajot écume les vieux journaux et la presse, et exploite les témoignages de ses habitants. Chez ce passionné de photographie qui se défend d'être un collectionneur, pas de beaux albums, juste quelques archives en vrac. Il n'est pas un historien mais un passeur d'histoires qui exhume de vieilles photos oubliées et les fait renaître. Son travail de recherche, il le mène « tel un glaneur ». L'auteur, également journaliste à Presse-Océan, peaufine sa connaissance de Nantes au contact de ses amis et lecteurs, qui l'abreuvent de photos et de messages via les réseaux sociaux. Des "indics", comme il aime à les appeler. L'un d'eux lui a dernièrement fait découvrir La reine des abeilles, un bas-relief situé rue de la Fosse. Habitué de la toute proche librairie Coiffard, Stéphane Pajot ne l'avait pourtant jamais vue...
Si la ville de Nantes sillonne son œuvre, elle est indissociable de ceux qui la font vivre. Pour Stéphane Pajot, c'est l'humain qui crée l’histoire d’un lieu et l'ancre dans la mémoire collective. Le territoire qu'il soumet au lecteur est façonné par ses habitants, artisans anonymes de l'identité nantaise. Car l'auteur a un faible pour "ceux qui n’ont pas leur nom sur les plaques de rues : les clochards célestes, les gens de cirque, les mariniers, les petits métiers de la rue en général ". Au détour de ses livres, on croise également ceux qui sont entrés dans la légende malgré eux, comme Willy Wolf, acrobate polonais qui se tua devant 15 000 Nantais en plongeant dans la Loire du haut du pont Transbordeur.
Sa lecture de la ville repose ainsi sur des histoires qui se tiennent "à la marge de la grande histoire". En convoquant ce que la ville compte d'insolite, d'anecdotes et de faits divers, l'auteur de La trilogie nantaise nous montre l'envers du décor. Mais, plutôt que de s'aventurer en terre inconnue, Stéphane Pajot se nourrit de sa connaissance du cadre spatial pour construire ses récits. Ainsi, deux évocations de la ville se superposent : si ses ouvrages de mémoire retracent le Nantes d'hier, ses romans délaissent le charme désuet du début du XXème siècle pour proposer une lecture intimiste de la ville. Avec le récit fictionnel, Stéphane Pajot n'est plus l'observateur mais le promeneur contemporain, celui qui s'approprie les lieux pour en livrer sa vision personnelle. Dans son polar Selon les premiers éléments de l'enquête et ses autres romans, le dispositif photographique disparaît au profit d'une interprétation littéraire du territoire.
Dans son dernier ouvrage, Nantes insolite, Stéphane Pajot admet avoir un faible pour le petit Casimir orange situé dans une niche de sainte-vierge à l’angle des rues de la Juiverie et des Petites Ecuries, et pour les balcons phalliques des rues de la Marne, Saint-Léonard et La Fayette, "désignés par la rumeur comme des repères indiquant des maisons closes, alors qu’il s’agissait juste d’une mode de ferronnerie ", s'amuse celui qui, contrairement au Maxence des Demoiselles de Rochefort, est en éternelle perm' à Nantes.