Le Goût de l'Anjou. Richesses d’une région au-delà des clichés

Publié le 10/10/2016 par Christian Dorsan

L’Anjou, administrativement, n'existe pas. Mais cette province perdure dans la mémoire collective. C'est dans la collection « Le goût de… », au Mercure de France, que Bruno Deniel-Laurent nous propose un  voyage au pays de ses racines. Ce n’est pas la première fois qu’il signe un livre sur sa région ; il a coécrit avec Raphaël Bodin L’Anjou en toutes lettres. Cette nouvelle anthologie nous offre une balade en trente textes. 

L'Anjou est une région qui déborde sur les autres. Ainsi, le texte de Jean Carmet (Un monde d’une tranquille opulence) nous raconte Bourgueil, ville d’Indre-et-Loire, sa ville natale, qui reste pour lui ancrée dans cette région où le Massif armoricain vient mourir. Très attaché à sa terre, Du Bellay, lors de son séjour à Rome, compose les fameux vers d’Heureux qui comme Ulysse, qui sont repris dans ce livre.

Il existe des âmes rebelles prêtes à défendre l’Anjou. Ainsi, Bruno Deniel-Laurent nous raconte le féroce combat de Renée Bordereau. Guerrière farouche, elle s'opposa à toute forme d'obéissance contre les Républicains et l'Empire. Cette histoire sanguinaire contraste avec l'image de l'Angevin décrit par Raphaël Bodin. Pour lui, l’Angevin est humble, a de multiples qualités mais ne les dévoile pas. Mais il est sûr de sa force. En effet, le mot « Anjou » vient de la tribu des Andégaves, les habitants originels de la région. Le mot est constitué du préfixe « ande », qui intensifie, et de « cavaros » qui signifie champion ou héros. Et c'est peut-être ce gène qui a motivé les Cadets de Saumur, comme le raconte Pierre Nord, à résister à l'avance allemande en 1940. 

La particularité de cette région est sa douceur légendaire. Et celle-ci a donné de belles plumes : Du Bellay, Bazin, Gracq. Ce dernier pourtant n'a pas été tendre avec Angers et préférait Nantes. Il considérait Angers « aménagée pour les commodités douillettes d’une fin de vie cossue ». 

L'Anjou est coincé entre deux régions : la Touraine avec ses châteaux et l'avant-garde de la Bretagne. Souvent le touriste saute cette étape pour se rendre dans l'une ou l'autre, se privant de belles découvertes comme le Craonnais, patrie des Bazin, le pays des Mauges (le texte Chanzeaux et les mystères des Mauges de Laurence William Wylie est un guide à lui seul) ou la cathédrale d'Angers. Laissez-vous également transporter par le récit de Stendhal qui raconte son voyage sur la Loire avec un bateau à roue. L'Anjou c'est avant tout, et c'est peut-être là son secret, une atmosphère. Et celle-ci a un ingrédient extraordinaire : la Loire. 

C'est dans cette région qu'elle devient indolente, paresseuse, s'élargit, prend ses aises pour former des îles ou territoires. Attention, rien à voir avec une nonchalance méditerranéenne. La Loire certes flâne dans cette région, mais sans torpeur. C'est Alix de Saint André (Ne varietur) qui décrit le mieux ce qu’apporte le fleuve au caractère des Angevins et elle nous met en garde : « Il ne faudrait jamais regarder couler la Loire, c’est une chose fatale ; après on ne sait plus faire que ça, et le reste est sans importance ». L’Anjou c’est aussi des méandres qui naissent des rivières de la Sarthe, de la Mayenne et de la Maine. Passez un dimanche après-midi sur l'ile Saint Aubin avec John Taylor pour vous en donner une idée.

L'Anjou est aussi une terre de plaisir que procure son vin. Et le meilleur moyen de le connaître c'est de le goûter comme nous le conseillent Curnonsky et Rouff. Dans Éloge des vins d’Anjou, vous saurez tout sur le Layon, les Saumurois et le Saumur Champigny dont « le malheur » est qu’il « est d’une rareté insigne - et qu’on le boit sur place ! » C’est aussi la terre natale du Cointreau, dont l’histoire est racontée par Raphaël Bodin dans Ne prenez jamais la route sans un petit verre de Cointreau.

Tout contribue, la situation géographique, l'Histoire, ses célébrités, ses habitants, à faire de l'Anjou une place à part et même le centre du monde ! Vous apprendrez grâce à Michel Vaissier que des géographes autrichiens et allemands ont déterminé que le point équidistant des territoires habités sur le globe se situe à Montfaucon-sur-Moine, à quelques kilomètres de Cholet. Et si vous êtes encore sceptique sur la renommée mondiale de l'Anjou, sachez qu'il existait des carrières de marbres rares dont l'entrée de l'Empire State Building est recouverte.

Il y a encore beaucoup de choses à découvrir au fil des textes : l'histoire de la Vierge Noire découverte par la reine Yolande d'Aragon, le parler angevin appelé « rimiau », le château de Gilles de Rais, sans oublier la boule de fort et le célèbre crêmet. La préface donne des indications précieuses sur la géographie et géologie de cette province. Les annotations également vous donneront l’envie d’aller sur place!

 

Le goût de l’Anjou, textes choisis et présentés par Bruno Deniel-Laurent, Mercure de France, 128 pp., 8€, ISBN : 978-2-7152-4327-9.