Le 21 novembre 2019 à Grafipolis, l'UNIIC Tour - Escale à Nantes, à été l'occasion d'assister à la présentation de deux études :
- Zéro Papier, Mythes et réalités, réalisée par IPSOS en 2016 pour le compte de l'UNIIC (union nationale des industries de l'impression et de la communication).
- Poids de la communication imprimée dans l'information des consommateurs, réalisée par France communication en 2017.
Tentative de synthèse.
La digitalisation généralisée des pratiques professionnelles et des usages des citoyens a impacté bien sûr en premier lieu le rapport au temps : l'instantanéité des échanges a donné lieu à une forme d'urgence et d'emballement collectifs. Corrélée à la transformation des entreprises de plus en plus horizontales, avec l'apparition des flex-office (ou plutôt la tendance à voir disparaître le lieu de travail), la digitalisation a engendré un nouveau rapport à l'espace pour tous : dématérialiser mes documents pour ranger mes archives, mes "papiers", et qu'ils me soient accessibles partout et tout le temps...
Cette apparence de gain de temps et de gain de place, qui semble en outre faciliter le partage des informations, est d'abord plébiscitée par les citoyens interrogés qui sont 91% à penser qu'internet et la dématérialisation sont "pratiques". Et en effet, dans un premier temps, cela a permis aux entreprises de réaliser des économies globales et de gagner en compétitivité.
Le recours au papier a semblé un moment être hors d'âge et contre-productif. Le recours généralisé au Stop Pub sur les boîtes aux lettres a été un signal fort.
Dans le secteur de l'imprimerie, la conséquence directe de cette tendance a été une fragmentation importante des impressions, avec des tirages plus courts et des commandes en berne.
Dans le secteur du livre, on a annoncé l'avènement du livre numérique, la fin du livre papier, valorisé l'importance de la communication digitale.
Dans les entreprises, l'heure de l'agilité et de l'innovation a sonné pour faire face aux transformations des usages.
Pourtant on s'est aperçu peu à peu que le mirage avait ses failles. La sécurisation des données s'est avérée représenter un coût très élevé et finalement, les apparentes économies se sont transformées en report (inconscient) des charges. La tendance est lourde : 70% des consommateurs n'ont pas confiance en le numérique, 83% ressentent de la crainte face à un potentiel bouleversement mondial dû à un piratage et, cerise sur le gâteau, 90% pensent que le digital est intrusif.
Pour les entreprises, c'est l'entrée dans la bataille de l'attention. Comment faire sa place au sein des centaines de mails, pubs, messages offerts par les espaces dématérialisés ? Comment restaurer une relation de proximité, la simplifier, la clarifier pour rassurer les consommateurs, les citoyens ?
La valeur RSE (responsabilité sociale des entreprises) s'est développée en parallèle : comment valoriser l'image de son entreprise ou de sa marque et faire connaître son engagement, ses transformations ?
L'argument de différenciation pour les annonceurs devient très difficile à faire émerger avec cette hyper-digitalisation : pour faire face à la perte du lien avec les consommateurs, les entreprises développent des applications qui permettent de remettre en scène la relation directe, avec une communication écrite plus longue, plus spécialisée, de meilleure qualité.
On assiste alors à une remise en place des agences (bancaires, touristiques, etc.) qui redeviennent des lieux de communication et d'échange. L'offre relationnelle s'étoffe (petits dej thématiques, invitation premiums, valorisation du contact physique) et évolue vers une démarche beaucoup plus qualitative.
L'innovation dans la communication papier s'oriente vers des supports à haute valeur ajoutée (tirés à part, choix graphiques et supports travaillés).
Les chiffres parlent : créer un lien étroit avec 20% d'une cible est plus intéressant que de susciter du lien mou avec 50%. Les annonceurs se mettent à la recherche de la récurrence (presse, télé, radio, qui constatent un regain d'impact), d'un éditorial de qualité, et délaissent la communication massue (spots, prospectus) très coûteuse et insondable.
Parallèlement, le rapport à la digitalisation généralisée fléchit : le papier rassure les consommateurs (65%), qui commencent à riposter avec une autre forme de Stop Pub, les adblocks qui permettent de contrer l'intrusion digitale et de surfer sans publicité, et avec la revendication citoyenne du "droit au papier" notamment dans les démarches administratives et officielles.
Bien sûr le rapport à l'information est paradoxal. Deux facettes cohabitent. Le papier est perçu comme plus sûr, permettant de capter l'attention, d'instaurer une relation de proximité, quand le numérique a une image plus moderne, semble plus économique, et surtout plus flexible.
Mais le point saillant de l'étude, c'est qu'elle fait apparaître des croyances erronées sur le digital comme sur le papier : la rapidité du numérique cache le côté énergivore et la distance parcourue par les messages à travers les data centers (la consommation mondiale liée au numérique serait en fait équivalente à l'activité aéronautique. cf The Shift project) ; 58% des interrogés perçoivent le papier comme la cause principale de déforestation et 85% pensent que réduire la consommation de papier permettrait de protéger l'environnement (alors que 70 % des fibres vierges utilisées dans la fabrication de la pâte à papier proviennent des bois de coupes d'éclaircies nécessaires à la croissance de la forêt et 30 % des résidus de la scierie. cf Culture Papier).
Aujourd'hui, il semble que l'image du recours au papier évolue, avec un regain de valeur, articulée notamment à cette idée de liberté de choix et d'usage des consommateurs.
Pour terminer sur une note intéressante sur les questions de sensibilisation, notons que, lorsqu'on pose aux participants la question "Avez-vous confiance en l'imprimé ?", 73% répondent "oui" au début du questionnaire contre 93% en fin de questionnaire ; à la question "Avez-vous confiance en le digital ?", 56% répondent "oui" au début contre 66% à la fin.
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