Dans ce nouveau numéro de la revue Sarrazine, les plasticiens, les philosophes, les écrivains et surtout les poètes sont invités à créer à partir du thème “Une fois”.
Par leur volume, la richesse de leur contenu certaines revues semblables à de grands livres prennent place de choix dans nos bibliothèques. On sait ainsi qu'on reviendra vers elle. La revue Sarrazine est de celles-là.
Fondée en 1994 par le poète Paul de Brancion qui en assure toujours la direction, l'originalité de la revue repose sur un principe simple. Au commencement, il y a un mot. Choisi par qui et pourquoi ? Peu importe.
Les contributeurs, plasticiens, philosophes, écrivains et poètes surtout, tous francophones, sont invités à créer à partir de ce mot. Le premier mot retenu pour le numéro 1 était “Écartelé”, puis il y eut “Maisons”, “Silence”, etc., jusqu'à cette récente livraison, le numéro 15, qui s'intitule “Une fois”. C'est donc à une réflexion sur l'unique, un éloge peut-être du singulier, de l'acte sans répétition, l'amour du seul en quelque sorte.
Une trentaine de contributeurs se prêtent au jeu, soit trois fois plus que dans les premiers numéros. Il est réjouissant de voir une revue grandir, s'étoffer, échappant ainsi à l'éphémère trop souvent de règle dans ce domaine. On reconnait les noms de James Sacré, Christophe Manon, Olivier Apert, Zéno Bianu et beaucoup d'autres que l'on ne peut citer ici. Cela dit assez de la qualité et de l'exigence des textes proposés, mais aussi de la variété des approches. C'est que les usages de la langue sont multiples, et c'est l'un des mérites de Sarrazine que de vouloir en rendre compte.
Il serait excessif de dire que chaque poète joue le jeu. Avec leur liberté coutumière, ils tournent plus ou moins autour du thème proposé (et non pas imposé). Mathieu Coutisse, par exemple, s'y essaie, puis confesse son impuissance: “C'est que, pardonnez-moi / je ne vois pas bien le comment le pourquoi / D'une seule fois.” Armelle Leclercq comme James Sacré préfèrent évoquer des “première fois”. Ou bien le thème est prétexte à hommage : Robert Desnos pour Zéno Bianu, Jacques Dupin pour Didier Bourda. Ou encore simplement à la rencontre avec quelques belles personnes, comme Florence Trocmé, la remarquable animatrice du site Poezibao, ou Olivier Apert poète chorégraphe.
Il faudrait pouvoir s'attarder sur les beaux textes de Romain Fustier, sur le toujours brillant Beurard-Valdoye, ou le jeune et très étonnant Mathieu Brosseau à qui nous laissons les derniers mots: “En corps, de l'image à sa brulure / Une fois arrive là / En soi, juste au dessus de la tête c'est encore en soi.”
Revue Sarrazine n°15: Une fois. 16€, ISBN 978-2-9525407-6-6.