Gérard Lambert-Ullmann lit Revenir à Lisbonne, le nouveau roman de Patrice Jean, qui explore les affres de l’apparence avec une ironie aussi légère que cruelle.
Jusqu’où peut conduire un quiproquo ? Au moins jusqu’à Lisbonne pour Gilles, professeur d’histoire dont on ne serait pas surpris qu’il soit un peu inspiré de l’auteur, Patrice Jean, guérandais et professeur de français.
Ayant aidé un ami à faire des travaux dans sa maison, Gilles est encore en tenue de travail lorsque la jolie Armande arrive en visite. Elle le prend pour un maçon et il ne la détrompe pas car il voit bien que c’est par ce biais qu’il pourra la séduire. Mais, une fois installé dans ce mensonge il n’arrive plus à s’en sortir. Pris à son propre jeu, il est obligé d’accumuler invention sur invention pour rester crédible et il s’enferre toujours plus dans le piège qu’il a monté.
Quand cette double vie lui devient intenable, Gilles part pour Lisbonne afin d’y prendre du recul. Il espère y retrouver une jeune femme rencontrée de manière très éphémère dans sa jeunesse (suite à un autre quiproquo) et aussi, peut être, faire la connaissance d’un obscur écrivain qu’il admire, auteur d’un déroutant Traité de l’honnête homme au XXIème siècle, qui lorgne du côté de Balthazar Gracian tout en louchant vers Alphonse Allais. Mais à Lisbonne aussi les quiproquos ne manquent pas.
Sorte de farce Don Juanesque moderne, ce roman au style élégant explore les affres de l’apparence avec une ironie aussi légère que cruelle. Un cynisme décontracté s’y affranchit de toute morale. Seul le résultat compte. On songe à la chanson de Nougaro : “Ce qu’il faut dire de fadaises, pour voir enfin du fond de son lit, un soutien gorge sur une chaise, une paire de bas sur un tapis…” Il y a là un regard très acide sur ce que définit on ne peut mieux la formule “commerce amoureux”. Et, évidemment, une fin à la mesure de l’imposture. En définitive, l’artifice ne fait pas long feu.
Revenir à Lisbonne de Patrice Jean, Éditions Rue Fromentin, 111 pp. 16 €, ISBN 9782919547456