La Paume offerte, de Jacky Essirard

Publié le 23/09/2015 par Frédérique Germanaud
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Changement de registre pour le poète angevin, qui aborde ici en territoire amoureux.

Après avoir livré, à travers l’œuvre du peintre Jean Rustin, une cruelle vision de l’homme dans son précédent recueil, Corps sans parole (Éditions Collodion, 2014), Jacky Essirard aborde ici en territoire amoureux.

“Certains d’être ensemble / dans la même seconde”. 

D’autres êtres sans parole, mais les doubles inversés des premiers : ceux-là sont lumineux, expressifs, exultant. L’auteur de ce bref recueil propose au lecteur un amour confiant, ouvert, clair comme on parle de “ligne claire” en dessin, une histoire dans laquelle chacun des deux protagonistes se laisse découvrir, se livre à l’autre en toute complicité. Du café préliminaire à l’apaisement qui suit la fusion, se bâtit une narration en filigrane dont le jardin, en écrin, rehausse l’éclat. Les lignes de force que sont la végétation, les corps,  les objets du quotidien s’entremêlent, s’enrichissent l’une l’autre, créant un espace d’enchantement. L’auteur joue des différents registres : “deux bourgeons nacrés narguent mes dents”, “un buisson flambe” et compose plus largement une célébration de la vie sous toutes ses formes. On pense aux figures nues de Cézanne, intégrées dans le paysage et la lumière, recréant une harmonie entre l’être et la nature.


Plus que le sentiment ou la réflexion, Jacky Essirard privilégie les sens, les matières, le concret. Par brèves évocations en vers libres, se dessine ce que sont deux êtres que lient le désir et la passion : “les vêtements vite enlevés / en tas près de la porte”. L’amour se vit en actes, en mouvement, en “corps à corps”. Comme le titre l’indique, ce livre est une offrande, une main tendue, une paume nue, qui ne cache rien, ne triche pas, et va à l’autre sans compte ni étonnement. Tout est donné avec une grande sensualité. La vérité des corps importe plus que tout. Les notations sont brèves, justes, à la fois intimes et objectives, tendres et crues. Le regard est aiguisé, intense,  le livre respire large et accueille généreusement le lecteur complice.


L’amour dans La Paume offerte  est une évidence qui ne s’interroge pas, qui n’enseigne pas.  Il se constate, s’éprouve et se dit simplement. Il est une nécessité heureuse. Le temps n’y a pas de place. Cette suite de poèmes est ancrée dans le présent, dans l’instant partagé. Sans arrière-plan, sans passé ni futur, le bonheur se présente sans usure ni doute, en quelque sorte de manière frontale.  L’auteur n’use d’aucune métaphore ni allégorie et le lyrisme n’est pas son registre. Il vise la saisie de cette énergie qui tient en vie. “Nous débordons de miel et de sève”, ces pages laissent au lecteur un durable effet bienfaisant.

La Paume offerte, Jacky Essirard, Les Editions du Chat qui tousse, 13 pp., 6 €, l'ISBN : 978-2-912163-52-3.