La forêt entre les deux, de Mélanie Rutten

Publié le 29/02/2016 par Élisabeth Sourdillat
La forêt entre les deux de Mélanie Rutten
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Pour Élisabeth Sourdillat, le nouvel album de Mélanie Rutten est “comme un câlin dans la tourmente”.

La forêt entre les deux - quel beau livre, comme un câlin dans la tourmente.  Par son format, sa couverture cartonnée comme veloutée et son papier bouffant, déjà c’est un objet doux. Ensuite il y a tout ce que convoquent l’aquarelle, le trait, la typographie, qui ont l’élégance de ce qui semble simple en apparence. Et les éditions MeMo nous offrent un merveilleux rendu de couleurs grâce à leur exigence en matière de photogravure qui permet de rester au plus prés des planches de l’illustratrice.


Que l’on connaisse ou pas Mélanie Rutten, on se rend vite compte que son univers est bien singulier, tout comme sa manière de raconter. Elle invente ses textes et ses images, qu’elle fait jouer dans tout l’espace des doubles pages, avec parfois de grandes illustrations sur une seule page, comme un tableau d’artiste.

Et l’histoire ? On y rentre immédiatement, dès les pages de garde qui forment un sas de pures couleurs et sensations d’où l’on plonge dans la blancheur qui sert de décor à un court prologue. Prologue en forme de dialogue mignon, dont on n’aura la clef qu’à la fin et qui ouvre l’album par un secret et une énigme.

Et puis on assiste à un divorce déroulé sur deux doubles pages se terminant en noir et blanc avec l’apparition du héros de la couverture, fillette sans nom qui, rendue furieuse de se partager entre deux maisons, a décidé de devenir Soldat. S’ensuit un récit rythmé par un “Avant” et un “Après” et cinq forêts qui sont autant d’états d’âmes. La bleue pour rêver et lâcher-prise, la rouge lieu de la colère, la forêt noire de la nuit royaume des histoires, la jaune du jeu inventé ensemble qui est un trésor précieux. Et enfin la grise du désespoir, de la pluie de larmes mais aussi de l’expérience.

“Ce n’est pas à cause de toi. Certaines choses disparaissent. D’autres naissent. Les feuilles poussent, tout repousse, plus grand, plus solide. Comme toi, petit Soldat”. C’est sa traversée qui autorise à passer dans l’“Après” où notre héroïne s’est enfin trouvée elle-même, entourée de ses amis, au point d’avoir à nouveau un prénom et de pouvoir rencontrer l’autre. Ne serait-ce donc pas ça le vrai trésor de la vie ?

Il ne faut pas oublier la présence essentielle de la bande de copains dans le processus de reconstruction, quand on fait les cent coups à quatre, à inventer des jeux, à se chamailler, à chasser un trésor dont l’intérêt n’est pas le prix mais la quête poursuivie ensemble. Non loin, quelques figures de grandes personnes bienveillantes, l’Ourse qui console, et aussi le couple amoureux du Cerf et de la Louve. Il y a bien maintenant deux maisons au lieu d’une, mais leur présence est stable et rassurante.

C'est un livre qu’on proposera aux enfants mais aussi aux grands, par sa qualité de “beau livre” - comme toute la production des éditions MeMo - mais aussi d’album sensible.
C'est un support qui pourra aider à mettre en mots ensemble la séparation et la grande colère, et comprendre qu’après qu’on se soit noyé dans ses larmes, la vie reprend.

La forêt entre les deux, par Mélanie Rutten (texte et image), éditions MeMo, 2015, 17€, 56 pp., ean 9782352892755