Comme un feu furieux, de Marie Chartres

Publié le 07/05/2015 par Guénaël Boutouillet
Comme un feu furieux
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« Est-ce qu’on peut dire que je suis comme la plupart des gens  ? Je vis sur du plat. Du plat Ă  perte de vue, du plat Ă  ne plus savoir qu’en faire. Du plat Ă  en perdre la tĂŞte, Ă  confondre l’endroit et l’envers, le ciel et la terre.
Mais j’ai la mer.
Je l’aime prisonnière.
Je l’aime enfermée.
Je l’aime glacée.
Parce qu’il y aura toujours un moment oĂą quelqu’un arrivera pour la libĂ©rer.  »

Galya Bolotine, la jeune fille qui dit (ou chante) cette longue attente maritime, vit Ă  Tiksi, SibĂ©rie septentrionale, au-delĂ  du cercle polaire. Tiksi comme un grand Nord, un grand Lointain, qu’on imagine d’abord inventĂ©, fictionnel, tant Marie Chartres sait rendre onirique la beautĂ© de ce dĂ©cor immobile, avant de le trouver sur la carte (ou sur «  un vieux globe terrestre  », comme le fit ClĂ©mentine Vongole sur son excellent blog ThĂ©rèse Ramequin).

Ce sont des photographies de là-bas, celles d’Evgenia Arbugaeva, qui ont servi de matrice à cette jeune auteure, native de Châteaubriant (où elle officia longtemps comme bibliothécaire, imprimant une dynamique d’animation toujours active un an après son départ vers d’autres contrées), pour construire ce beau conte nordique.

Galya Bolotine vit donc à Tiksi, au bord d’un océan gelé une partie de l’année, entourée d’un père bougon, de deux frères dissemblables, l’enfant insomniaque Lazar et Gavriil, le jeune poète mutique. Cette famille est amoindrie, elle est un collectif d’esseulés, depuis que la mère a disparu. On ne sait d’abord rien des détails de cette disparition, dont on imagine les ressorts dramatiques, avant qu’ils nous soient révélés, révélation qui constitue un des enjeux dramaturgiques du récit.

Le passage du brise-glace, le Yamal, son escale Ă  Tiksi, font Ă©vĂ©nement pour la population de ce port en dĂ©shĂ©rence. Cet Ă©vĂ©nement sera le point nodal d’une crise aux causes aussi Ă©tonnantes que son dĂ©nouement. Le paysage arctique, cet habitat dĂ©shĂ©ritĂ©, ces «  maisons qu’on dirait construites par des enfants  », parfait support aux envies d’ailleurs de l’adolescente, sont magistralement reliĂ©s, avec douceur et subtilitĂ©.

Et ce roman, dense et minutieusement ouvragé, paru en collection médium de l’école des loisirs, s’il nourrira les jeunes lecteurs gourmands, ravira aussi leurs ainés plus gourmets.

Marie Chartres, Comme un feu furieux, L’école des loisirs, collection "médium", 2014
EAN13 : 9782211216203
Prix : 14,00  €