À l’envers l’origine, de Joël Glaziou

Publié le 14/10/2015 par Jean-Luc Jaunet
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Dans son dernier ouvrage, Joël Glaziou n’a pas seulement assemblé seize courtes nouvelles. Il a véritablement composé — dans l’acception musicale du terme — son recueil.

L’ensemble évoque la quête de l’origine, des origines, à travers la remontée du cours du temps, de l’histoire ; le cheminement à rebours, dans les souvenirs, le vécu intime. Chaque nouvelle garde bien sûr sa tonalité, son timbre particulier comme l’émouvante évocation de la mère dans “L’origine du monde” ; le jardin extraordinaire de l’enfance dans “Les paradis de rêve” ; les  nombreuses pages où coule la Loire. Mais, et bien que trois des textes aient été publiés auparavant, l’ensemble est bien habité par une visée commune et la juste formule “l’envers ravive ce qui s’efface à l’endroit” appliquée à la tapisserie de l’Apocalypse pourrait offrir une belle métaphore du livre.

Ce projet, tout à la fois existentiel et littéraire, est fermement campé dès “le sommaire […] et l’acrostiche qui guide le lecteur en lui livrant le fil rouge à suivre de titre en titre, de texte en texte”. On retrouve ainsi, dans chaque nouvelle, en gras, quelques mots repris du texte liminaire, petits cailloux jalonnant le chemin de lecture. Mais on peut être plus séduit encore par l’arrangement thématique qui  croise ou mêle enfance et vieillesse, vie et mort, désir et paix des sens.

L’écriture n’est pas en reste, avec  tout un jeu d’échos, de reprises qui rapprochent les textes, les relient, les font dialoguer. Ce peut-être une simple notation : la lettre des enfants qui arrive à la fin de “La vie au fil de l’eau” et qui annonce toutes celles apportées par le facteur dans la nouvelle suivante.  C’est aussi l’évocation récurrente du fleuve, du blanc du tuffeau et du bleu ou du noir de l’ardoise ; le retour des figures d’Adam et Ève désignant tantôt les juvéniles Laurie et Jean dans “L’histoire des folies”, tantôt le vieux couple des “Paradis de rêve” ; la référence, par deux fois, à Turner peignant les bords de Loire, ou les citations de Rimbaud. Une nouvelle s’aventure dans le dédale des Folies-Siffait, tandis qu’une autre célèbre la “folie” de Raymond, un vieux wagon en bois, lui aussi noyé de verdure.

Et le final, comme en musique là aussi, sait retrouver les notes de départ, les mots de l’incipit, (“je n’ai pas. . .”) en modulant délicatement le pas en plus :

“je n’ai plus le souvenir du commencement”.              

Joêl Glaziou, À l’envers l’origine, Éditions Luce Wilquin, 96 pp., 10€,  ISBN 978-2-88253-505-4