Un roman en Ă©dition bilingue, traduit du bosniaque par Christine Chalhoub
"Faire partie d’un vitrail dont la couleur dominante est celle d’un hachis de chair humaine", tel est le lot des soldats dont nous parle le bosniaque Faruk Šehić dans Sous pression, roman traduit par Christine Chalhoub.Des soldats suffisamment déshumanisés par la guerre pour que la course d’un des leurs sous les balles ne soit plus que matière d’un pari entre eux : sera-t-il, ou non, tué avant de les rejoindre ?
La guerre que nous décrit Šehić, qui l’a vécue à Sarajevo en 1994, est la guerre dans toute sa simple crudité, dans son horreur banale : "D’une pichenette, Zgemba dégage un bout de cervelle humaine tombé sur son feuilleté dont il détache, de la main droite, des morceaux qu’il trempe dans le sel avant de les fourrer dans sa bouche (…) Par-dessus le parapet est culbuté un cadavre encore chaud. Une rafale lui a coupé le crâne en deux (…) Je tire son portefeuille. Je regarde sa photographie (…) Du coin de la photo je retire des bouts de pomme coincés entre mes dents."
Šehić qui, à 22 ans, a mené des hommes au combat, sait de quoi il parle quand il décrit ces "gentilles et innocentes voyelles crachées dans la bouche du diable", qui pataugent dans le sang et la trouille entre deux "rhapsodies alcoolisée". Comme le note Patrick Deville dans sa préface :
"Ce livre prend place dans ce sempiternel et bel effort de la littérature pour dire l’Histoire, on songe au Feu de Barbusse, aux Croix de bois de Dorgelès"
En l’éditant dans une édition bilingue, la Meet (Maison des écrivains étrangers et traducteurs) de Saint-Nazaire poursuit un riche travail de mise en valeur d’auteurs étrangers émergents dont Faruk Šehić est parmi les plus doués.
Faruk Šehić, Sous pression-Pod pritiskom, traduit du bosniaque par Christine Chalhoub, Meet, 15 €, 261 p., ISBN 9782911686931