🚨 Culture en Crise 🚨

La Proue : quand les poèmes prennent le large

Publié le 28/05/2020 par Maxime Griveau
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Vous l’aurez peut-être deviné, c’est d’une revue poétique dont il sera question dans cet article. En 1929 le premier numéro de La Proue « revue des poètes indépendants » parait, elle est créée par Marcel Chabot et un groupe de passionnés de littérature. Au départ mensuelle, elle devient annuelle en 1935.

« Déjà La Proue palpite et le large l’appelle… », ainsi commence le premier numéro de La Proue, le ton est donné, la Proue sera indépendante – libre comme l’air du grand large – et fera part belle aux auteurs inconnus puisqu’il suffisait d’envoyer son poème à Marcel Chabot, directeur de publication ; ou à Ali-Bert, rédacteur en chef, pour avoir une chance d’être publié.

La Proue fera part belle aux auteurs contemporains et au renouveau poétique en vigueur en ce début de 20e siècle : libération de la forme de la poésie qui n’est plus contrainte par sa versification où sa forme. Ce sont notamment les débuts des calligrammes, mot-valise inventé par Guillaume Apollinaire en 1918, formé des mots calligraphie et idéogramme. On assiste aussi à une diversification des thèmes de la poésie, elle ose parler de thèmes moins nobles : la ville et ses faubourgs, la modernité et son lot d’usines, de trains.

On voit par ailleurs apparaitre des poètes dits surréalistes : mouvement né après la 1re guerre mondiale qui cherche à donner du sens au monde dévasté après ce conflit. Les surréalistes cherchent à faire ressortir de leur inconscient des choses enfouies notamment en utilisant le procédé de l’écriture automatique : où l’auteur se laisse aller et écrit sans réfléchir des suites de mots : laisse parler son inconscient.

Un des éditoriaux de La Proue rappelle bien son indépendance et la liberté d’écriture totale qu’elle offre :

« La Proue est une tribune libre où nos collaborateurs peuvent […] exposer leurs idées, leurs conceptions personnelles sur la poésie. Les poètes ne sont pas toujours d’accord sur les formes que doit prendre l’Art Divin [sic.] pour se révéler, et La Proue est précisément à la recherche de la forme idéale ».

Ayant un véritable objectif d’aide à la création, la revue se dote d’un prix littéraire annuel en 1935, son jury est composé entre autres de Caroline-Eugénie Segond Weber, célèbre actrice admise à la comédie française ou encore de Denise Zola, fille du célèbre romancier naturaliste.

Non seulement la revue publie des jeunes poètes désireux de se faire connaitre, mais aussi des artistes puisqu’elle fait appel à de nombreux illustrateurs ; l'image de couverture est, d’André Margat : illustrateur animalier d’une trentaine d’années quand il est sollicité par Marcel Chabot pour réaliser la magnifique couverture de la revue (visible à gauche).


Place aux poèmes maintenant ! Le premier poème de cette revue prend pour thème… La proue ! et c’est Marcel Chabot lui-même qui en est l’auteur, car il est avant tout poète. En voici un court extrait : 

« Belle Proue, oh ! pourquoi tends-tu ton cœur battu

Vers les temps qui seront quand tu ne seras plus ?

Écoute la chanson du flux net du reflux

De la tradition : hier sera demain » 

Marcel Chabot – La Proue, 1929

(lire la totalité du poème sur Gallica)

 

 

La revue sera donc un vrai tremplin pour de nombreux artistes, auteurs de France et à l’étranger (avec la création d’une rubrique qui leur est dédiée). Elle s’éteindra, 10 ans après sa création en 1939, au départ de Marcel Chabot pour La Roche-sur-Yon. 

À son arrivée dans la préfecture Vendéenne, Marcel Chabot ouvrit une librairie et devînt une personnalité littéraire locale importante. Il écrivit un grand nombre d’ouvrages sur la Vendée : La Vendée coule dans les Cœurs (prix Émile Blémont), À travers notre Vendée qui témoignent tous de son amour pour son département d’adoption.

À sa mort en 1973, on vit la création d’un fonds Marcel Chabot à la médiathèque Benjamin Rabier. Ce riche ensemble documentaire contient des livres du poète, mais aussi les correspondances qu’il a entretenues tout au long de sa vie notamment avec Gaston Chaisac, célèbre artiste Yonnais. Très actif, Marcel Chabot continuera tout au long de sa vie à participer à la vie locale, en étant notamment directeur de la troupe des comédiens Yonnais ou encore professeur de diction au conservatoire municipal. La richesse de sa correspondance avec ses contemporains témoigne d’une très grande influence, faisant de La Roche-sur-Yon une terre de poètes puisque Louis Dubost décida de fonder la maison d’édition poétique le Dé Bleu un an après la mort de Marcel Chabot.  

La revue est entièrement numérisée et disponible sur Gallica.
Pour plus d’information sur Marcel Chabot, n’hésitez pas à aller consulter le fonds dédié sur le site des médiathèques de La Roche-sur-Yon. (plus d’informations sur le fonds sur le catalogue collectif de France)

Un fonds Louis Dubost est conservé à la médiathèque Benjamin Rabier de La Roche-sur-Yon (consulter le fonds).

Et comme la vie est bien faite, vous pouvez aussi trouver des informations complémentaire sur le fonds Louis Dubost sur le site du Catalogue Collectif de France !

 

 

Portrait de Marcel Chabot par Pinno Della Selva

« à mon ami, Marcel Chabot, [suite illisible] » – portrait de Marcel Chabot par Pino Della Selva (1953) (consulter le portrait sur le site des archives de la Vendée)