LCT Sbire : une police de caractère

Publié le 06/05/2015 par Benjamin Reverdy
LCT Sbire
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Parent pauvre – en terme de reconnaissance – dans l'univers du design graphique et de l'édition, les polices de caractères en sont pourtant un maillon essentiel, là, juste sous nos yeux.

Il existe heureusement quelques desperados pour imaginer et dessiner des typographies, ces « écritures sans plume ». Et il n'est pas rare depuis quelques années d'entendre de nouveau parler d'entreprises de « fonderie typographique », héritage de l'époque ou les caractères d'imprimerie étaient en plomb, un métal lourd remplacé aujourd'hui par le numérique.

C'est le cas des designers nantais de l'atelier La Casse qui ont dévoilé dernièrement leur nouveau caractère : le LCT Sbire (LCT étant l'acronyme de La Casse Typographie).
Imaginé pour un usage comme texte dit de « labeur » (celui de la lecture courante), le LCT Sbire est le fruit d'un travail de plus d’un an, et d'une précision rare (pas moins de 1 000 glyphes par graisse dont petites capitales, italiques ornés, chiffres, ligatures... lui assurant un usage optimal dans plusieurs langues).
Ses créateurs en imaginent une utilisation pour des mises en pages de textes avec du « caractère » : théâtre, poésie...

LCT Sbire : 40,99 € par graisse, disponible sur le site internet de la casse

Le numéro 1 de mobiLISONS est entièrement mis en page avec LCT Sbire.


 Test approfondi de la police Sbire, par Clément Le Priol, typographe et membre du collectif Carré cousu collé

"Au-delà des règles classiques qui commandent à la création d’une police de caractères, l’appréhension de celle-ci est sujette, bien évidemment, au jugement tout subjectif du lecteur, mais bien plus, à un ressenti inconscient qui se forge, durant une vie, par tous les contacts que nous avons avec la typographie, selon les contextes, les utilisations et le message qu’elle transmet.

"De prime abord, le LCT Sbire me plaît beaucoup. D’un classicisme assumé, elle offre par petites touches une originalité dans le dessin des lettres qui lui apporte une belle vigueur.

"Elle pourrait s’apparenter aux humanes, selon la typologie de Vox, elle rappelle dans une certaine mesure l’Adobe Jenson Pro de Robert Slimbach ou le Centaur de Bruce Rogers. Mais de plus prêt, nous remarquons bien la volonté avouée de confronter le classicisme du caractère de labeur et à un trait résolument moderne, non sans rappeler subtilement la tradition du caractère de civilité.

"Peu de contraste entre les pleins et les déliés ce qui va dans l’air du temps (la tradition française des didones semble n’être vraiment plus au goût du jour), notamment pour des affichages sur écran. Mais moult petits éléments hérités de l’esprit du caractère de civilité et de la calligraphie donnent sa vivacité du Sbire (d’autant plus notable en italique), voyez de plus prêt le « e », le « v », le « a » ou encore le « j ».

"En ce qui concerne le gris de texte, après plusieurs tests, il est élégant, clair et n’entrave en rien la lisibilité, bien au contraire. En revanche, il paraît préférable de l’utiliser avec un interlignage un peu « forcé », pour ne pas créer un effet de bloc (cela est à mettre en rapport sans doute avec le peu de contraste du Sbire).

"Ce qui me plaît moins
Des ligatures un peu grossières.
Des petites capitales qui manquent de légèreté.
Certains éléments ne semblent présents que pour démontrer la démarche, l’exemple du « e » minuscule est éclairant.
De minuscules problèmes d’approche des lettres, je pense notamment au « r » en capitale

"Ce qui me plaît
Un très belle italique, et sa variante ornée intéressante.
La vigueur générale du dessin.
Un dessin des capitales d’une belle élégance." (Clément Le Priol)