🚨 Culture en Crise 🚨

Journal de bord du FORUM : Les politiques temporelles pour penser la complémentarité des services

Publié le 31/08/2018 par Jean-Luc Jaunet
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Jeudi 14 juin 2018, à la Manufacture, Journée "Mieux ouvrir les bibliothèques". Nantes, FRANCE.

Dans le cadre de la mission Orsenna sur la lecture publique, l’association Tempo territorial a élaboré une réflexion et une méthodologie pour la réalisation de diagnostics temporels pouvant permettre d’« optimiser » les horaires d’ouverture des bibliothèques.

Pour en faire une présentation, Mobilis et le CFCB avaient invité, ce jeudi 14 juin au matin, la personne la plus à même de nous éclairer : Catherine Dameron, membre de l’association et responsable du Bureau des temps à Rennes Métropole. Elle avait volontiers accepté, en dépit des embouteillages de son agenda dont nous eûmes l’éclatante confirmation en la voyant arriver en fin de matinée, encore trépidante de son voyage, son bagage à la main. Mais elle n’avait pas encore bouclé sa course contre la montre puisque, grève SNCF oblige, elle devait nous quitter une heure plus tard. 

Dans cet entre-deux trains échevelé, Catherine Dameron nous a fourni beaucoup d’indications précieuses, tout en se livrant à une brillante démonstration de gestion du temps !

Elle a d’abord rappelé que nous étions bien sortis d’une époque où prédominaient les rythmes uniformes. Que nous vivions aujourd’hui dans une société à mille temps, comme la valse de Jacques Brel !, et que les inégalités face au temps sont considérables.

Si les femmes ont bien conscience que 75% des tâches ménagères, malheureusement, leur échoient, sait-on que 40% de la population travaille le samedi et près de 30 % le dimanche ? Que la moitié du temps libre, qui a été multiplié par 3, voire par 4 en quelques décennies, se passe devant des écrans ? Qu’une personne sur deux, seulement, part en vacances ?

Bâtir un diagnostic implique d’intégrer de telles données nationales mais aussi de connaître la « couleur temporelle » - c’est très joli, ça ! - du territoire (horaires des équipements, des circulations, etc.) et les rythmes des publics visés. Si les cartes isochrones – ça, c’est moins beau ! - des bibliothèques permettent de connaître les temps d’accès et les parcours à pied, en vélo ou en voiture, une autre approche, toute aussi essentielle, doit s’intéresser aux publics.

 

Ados et étudiants, familles avec enfants, seniors et ceux qu’on dénomme les « séjourneurs », par exemple, sont en effet loin d’être dans le même… tempo. Les premiers, fréquemment en groupes, ont une pratique de « sur-place » et sollicitent plus de temps d’ouverture.
Pour les familles, les emprunts priment, avec des pointes de fréquentation les samedis, dimanches et mercredis. Les seniors, qui représentent presque 20% de la population, plébiscitent les ouvertures le matin, sont très présents le week-end et restent longtemps : 52%, selon les statistiques rennaises, passent de 2 à 4 heures à la bibliothèque.
Les « séjourneurs », quant à eux, « séjournent » sans emprunter d’ouvrages. Il convient également de réfléchir au périmètre d’étude, surtout à l’échelle d’une métropole : prend-on en compte les bibliothèques universitaires, les territoires voisins, les synergies des réseaux avec les possibilités qu’offrent les boîtes de livres, les services dématérialisés, etc.

Les enquêtes du type « selon vos contraintes, quelles sont vos préférences horaires ? » livrent aussi des informations intéressantes. Il n’en est pas tout à fait de même quand on interroge des personnes ne fréquentant pas les bibliothèques : elles mettent toujours en avant les horaires comme frein mais sont incapables de dire… quand la bibliothèque est ouverte ! 

Quand tout a été observé, mesuré, comparé, structuré et harmonisé, vient l’heure… du choix des horaires ! Tout est possible à condition d’éviter d’emblée  certaines erreurs comme les horaires irréguliers, non mémorisés par 50% des usagers. La réussite nécessite donc le choix de bornes horaires stables, les mêmes sur les différents jours, mais aussi l’association des agents à la réflexion et requiert un délai d’expérimentation d‘un an ou deux – il faut laisser du temps au temps - avant évaluation.

Une fois ces ultimes conseils prodigués, il était… grand temps pour Catherine Dameron de sauter dans le train du retour mais pas avant, quand même, d’entendre la salve d’applaudissements qui saluait la clarté et la richesse de son intervention. 

On n’avait pas vu le temps passer !

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