Au cœur du Goncourt des Lycéens, à Pornic | Les rencontres de Rennes (3/5)

Publié le 14/12/2015 par Yann Daoulas
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Une première L du Lycée du Pays de Retz (Pornic) a participé cette année au Prix Goncourt des Lycéens. Comme ceux d'une cinquantaine de classes en France, ces lycéens ont reçu pour mission de lire l'ensemble de la sélection Goncourt et d'élire leurs trois livres préférés. Leur professeur de français raconte cette histoire de son point de vue, contrebalancé par celui de quelques élèves.

Les rencontres de Rennes

 

Avant : préparer des questions en éliminant les plus générales (« Pourquoi avez-vous écrit ce livre ? ») et les plus évidentes (« Madame Angot, ce livre est-il autobiographique ? ») mais toujours comme si l'auteur vivait dans son livre. Après : dire et répéter les réponses des écrivains, discuter à partir d'elles, mais surtout broder sur les individus - leur proximité, leur humour, leur arrogance.

Avant : remplir des papiers pour le voyage, attendre l'élève en retard, s'arrêter sur une aire d'autoroute et s'extasier la bouche pleine sur les laideurs toujours différentes de ces lieux, observer l'horloge du car, courir vers un amphithéâtre bondé, disperser les élèves et oublier instantanément où ils sont. Après : épuisement général, comme s'ils avaient fait un marathon au lieu de rester assis pendant deux heures.

Les rencontres de Rennes avec dix des auteurs de la sélection Goncourt ont marqué une césure.

Si j'étais chrétien, ou du moins saintjeannophile, je dirais que c'est parce que ce jour-là le Verbe s'est fait chair pour mes élèves. C'est bien cela, et plus encore. Je les ai vus étonnés de la foule bruissant dans l'amphi qui nous accueillait ; que le Prix soit un projet sur l'ensemble du pays a aussi pris corps à ce moment-là. De mon côté, c'était l'occasion d'éprouver un sentiment d'imposture bien connu du professeur : qu'est-ce qu'ils ont l'air bien préparé les élèves là-bas ! Et celle qui pose cette question, là, elle a bien lu le livre, ça se voit. Mes petits, les ai-je aussi bien encadrés ? Et ces collègues que je vois détendus à leurs tables, ils font ça tous les jours, manifestement, préparer une interview avec un auteur...

Pourtant, quand ce fut au tour de mes élèves j'étais fier comme un paon.

Uniquement des questions intelligentes, posées avec force et détermination, sans cafouillage ni bafouillage. J'épuise toutes mes mimiques d'encouragement et de félicitations muettes en dix minutes. C'est formidable. J'en oublie presque la frustration liée à l'organisation : on nous avait demandé de préparer DES questions pour TOUS les auteurs, et seules cinq questions ont pu être posées, une à chaque auteur de la deuxième fournée.

Puis vient le temps des dédicaces. Les élèves se mêlent à la foule pressée contre les tables des auteurs, remontant dans les gradins de temps à autre, partant fumer, filant aux toilettes. Flottement. Je discute avec mes élèves agoraphobes de la rencontre, du décalage entre leur représentation des auteurs et la réalité. Pendant ce temps, et à ma grande surprise, la foule des admirateurs s'éclaircit rapidement. Je m'aperçois, successivement, que l'élève en retard discute depuis un quart d'heure avec Jean Hatzfeld ; que Christine Angot rit en faisant de grands gestes entourée de son fan-club (de ma classe) ; qu'Isabelle Autissier écoute attentivement une de mes élèves, qui m'apprendra plus tard qu'elle lui avait demandé des conseils d'écriture ; qu'Alain Mabanckou puis Delphine de Vigan se font photographier avec la moitié de la classe ; que trois de mes élèves passent d'un auteur à l'autre, Tobie Nathan, Thomas Reverdy, Nicolas Fargues et les autres, pour leur demander :

« Quelle est votre vision de l'amour, de l'histoire d'amour ? ».

Toutes les autres classes sont parties. J'attends qu'ils soient repus de signatures et de photos, que leurs bouches soient sèches d'avoir interrogé, avant de partir.

Sur le trajet du retour, je cesse rapidement de leur demander opinions et sentiments ; ils vont mettre un peu de temps à digérer. Plus encore, il devient plus difficile encore dans ces circonstances de garder ma neutralité obligatoire et mon hostilité (littéraire) à l'égard de tel ou tel écrivain, ce qui rend le silence préférable. Dans les semaines qui ont suivi, par contre, les élèves n'ont parlé que de cela à tous ceux qui leur ont demandé ce qui les avait marqués : voir un auteur, parler à un auteur, et entendre s'animer la même pensée que dans un livre qui, en retour, devient vivant.

 

 


"Je me souviens très clairement du jour où nous sommes allés rencontrer les auteurs à Rennes. C’est un jour inoubliable, on ne rencontre pas tous les jours des écrivains. J’étais à la fois stressée et excitée. Stressée à cause des questions que j’étais censée poser aux auteurs mais excitée car il en y avait certains que j’avais vraiment envie de rencontrer et échanger.

Le voyage s’est passé comme tous les voyages scolaires, avec beaucoup de fous rires et des écouteurs dans les oreilles. Nous sommes arrivés à Rennes avec juste trente minutes de retard, juste avant que la conférence ne commence, j’aime la ponctualité de certains de mes camarades. Résultats, il ne nous restait que des places éparpillées un peu partout dans l’amphithéâtre et nous avions deux fois moins de chance de poser nos questions aux auteurs.

J’ai donc pris place à côté de lycéens que je ne connaissais pas. Je m’imaginais passer deux heures sans parler à personne et à prendre des notes dans mon coin mais heureusement une amie a pu prendre place devant moi.

C’est à ce moment-là que le premier groupe d’auteur a fait son entrée. Il comprenait Simon Liberati (que j’avais vraiment envie de rencontrer) ; Thomas Reverdy; Nathalie Azoulai; Tobie Nathan et Christine Angot. Cela faisait bizarre de les voir en vrai. Surtout Simon Liberati car j’avais lu son livre, je n’ai pas eu la chance de lire les livres des autres auteurs avant de les rencontrer. J’aurais aimé car rencontrer quelqu’un dont vous avez lu l’œuvre, que vous l’ayez apprécié ou pas, a une saveur particulière.

La première conférence a commencé, des questions ont été posées, certaines moins pertinentes que les autres. Dans la classe, nous nous étions partagé les auteurs, nous devions chacun prendre des notes sur un auteur en particulier. Je devais prendre note des questions de Simon Liberati.

C’était assez drôle de voir comment certains auteurs étaient comme leur livre, en même temps leur livre est un peu une part d’eux-mêmes.

Après une heure et quart de conférence, la premier groupe d’auteur a cédé sa place au second groupe. Ce deuxième groupe comprenait Isabelle Autissier, Jean Hatzfeld, Delphine de Vigan, Alain Mabanckou, Nicolas Fargues.

Je n’avais lu aucun livre des auteurs présents sur ce second plateau. Ce qui est assez dérangeant quand on assiste à une conférence.

Après cette dernière conférence, nous avons pu aller voir les auteurs, faire des autographes, discuter avec eux, et même prendre des selfies (nous avons un peu abusé des selfies lors de cette rencontre).

J’ai été assez déçu, car Simon Liberati est parti avant la séance de dédicaces. J’avais vraiment envie de lui parler, je trouve ça dommage qu’il ne soit pas resté jusqu’à la fin.

Malgré cela, cette journée était quasiment parfaite. J’espère avoir la chance de retourner à des rencontres comme celle-ci.

 

(Amy Ly)