Huguette HÉRIN-TRAVERS

Née en 1939 à Château-du-Loir d'une mère ouvrière agricole et d'un père inconnu mon enfance s'est construite dans cette dualité : désir de subversion (contre le déni et les humiliations) et mélancolie bienveillante (générée par un regard appuyé sur la fragilité des êtres et de la nature). Et puis la guerre, l'Occupation, la Libération autant de moments qui relativisent la question des origines. Conviction que les enfants comprennent ce que dit l'Histoire.

Etudes supérieures à la Sorbonne, un engagement communiste et divers mandats électifs (ville du Mans et conseil régional) m'ont convaincue que la poésie, la création littéraire (ou autre) apportent à la politique un indispensable substrat de vie, de sensibilité et aussi d’incertitude…

Mariée, trois enfants, enseignante en lettres et choix délibéré d'exercer en lycée professionnel j'ai eu la confirmation que la littérature a cette force d'ouvrir de précieux chemins de consolation et d'émancipation. L'expérience d'un fascinant métier envisagé comme une compréhension mutuelle du monde.

J'ai beaucoup attendu avant de publier - d'abord quatre recueils de poésie entre 1993 et 2002 puis trois romans entre 2007 et 2013. Non, je n'ai pas écrit pour je ne sais quel besoin de revanche sociale, mais pour penser à un être cher ... pour lui, ces conversations écrites que j'aurais voulu plus urgentes, plus intenses -sachant toutefois que l’expression des détresses n’a pas besoin d'être démonstrative quand elle touche à l'intime… Alors on en reste là : à ces maladroites et sincères explorations.

Ainsi se nomment les retours incessants au lot commun, à une recherche de lucidité si difficile à saisir, à la confusion de l'univers et des sentiments, aux folies meurtrières proches, lointaines, ou ignorées. Pour cela, peut-être, tenter d’avancer les yeux et le cœur ouverts. Alors, le seul mot de compassion pourrait tout dire, tout cerner ? Dommage, il manquerait les minuscules splendeurs du monde. Il manque toujours quelque chose, c’est pour cela que l’écriture a beaucoup de temps et d’espoirs devant elle.

Pendant quelques années active participation à Encres de Loire… Discours politiques : car j'entends que l'écriture politique se doit d'être autrement sensible et convaincante au prix même de considérations hasardeuses et excitantes... Comment la vie vous apprend à écrire : La honte, le déni, l'humiliation ne s'apprivoisent pas...Vouloir les subvertir relève d'une étrange alchimie : il n'y a que la force native, originelle de l'enfant qui puisse permettre l'accès à cette énergie du dépassement... Le corps des femmes , non précisément, le ventre...oui, le ventre des femmes ...Pour ce qui me concerne de 1939 à aujourd'hui : ce que la société nous a imposé puis de ce dont elle nous a délié-e-s (très inégalement encore) ... et il y a encore la force de la littérature pour restituer ces détresses et ces espérances de liberté intimemment et chèrement conquises... Rien ne s'écrit comme c'est dit... Il y a plus de risques à dire (refréner les paroles peut s'avérer une gageure) qu'à écrire (les risques sont maîtrisés) et c'est tellement plus libre, plus créatif ! Il n'y a pas mensonges car tous les transferts sont possibles et vos personnages vous donnent la main !