S’il est inscrit dans une pratique régulière du dessin et de l’écriture, il traverse aussi la photographie, les films Super 8 ou vidéo, l’installation ou, très récemment, la sculpture.
Mes réflexions et mes recherches dialoguent constamment avec l’écrit, en ce que l’écrit est à la fois geste, mise en forme de la pensée et proposition à lire, ce que je pourrais aussi définir par une préoccupation constante de la déclinaison des mots, de leurs sens et de leurs possibilités plastiques.
Les titres des œuvres, attribués après analyses et réflexions, le sont à partir d’extraits de livres ou de textes personnels.
Ma démarche artistique implique résolument aussi le processus du geste et de l’état d’être au moment du faire, suivant la notion de corps sentant en porosité avec le monde (d’après Merleau-Ponty) et plus spécifiquement, avec ma position en tant que femme, dans une perspective phénoménologique telle que celle développée par la philosophe Camille Froidevaux-Metterie.
Une quête de justesse des éléments constitutifs des œuvres et un positionnement réflexif sur les techniques que j’emploie me conduisent à prendre en compte le temps présent de la création avec l’exploration de son processus même. L’œuvre finale contient cette qualité d’être imperceptible du temps passé à créer l’œuvre, ce temps perçu comme inconstant, tour à tour dilaté et contracté. Ce temps de la pensée est inscrit par le geste dans la matière.
Mon travail est ainsi dans sa forme le résultat d’une tension vers l’ascétisme, qui implique de se détacher de la représentation.
En 2023 j’atteins l’âge de mon père au moment de sa mort, 48 ans, ce qui me conduit à réfléchir à ma propre mort et succession.
Suite à l’invitation du sculpteur Peter Briggs dans son atelier, je produis M . moires composée d’un ensemble de trois objets modelés en biscuit de porcelaine de couleur blanche.
Ces trois objets funéraires incarnent par leur présence ce que l’on ne veut pas regarder et ce que l’on ne peut pas regarder, en tant qu’individu et société.
De là s’enchaînent les liens, de la femme qui devient mère, de celle qui perd un enfant à celle qui avorte, à un réseau de circonstances sociales et humaines qui ont conditionné les destins des femmes surtout et, par conséquent, des familles .
Ma pensée s’enrichit alors d’un questionnement social historique, où les systèmes de domination transcendent la question du genre.
Le travail, l’œuvre, l’ouvrage reviennent ensuite dans ce que je fais actuellement, qui inclut les gestes archaïques de tisser à l’aide d’une navette en bois un filet en jute blanchi, en diagonale.
Il semble alors que la question de la pensée qui se manifeste dans un geste, cette pensée qui inscrit une information dans la matière prend la forme de la sculpture.
M’appuyant sur un corps qui sert à comprendre le monde, je questionne la matérialité d’une pensée, qui se transmettrait en parole, prononcée, écrite ou incarnée en tant que je suis un corps féminin sentant et pensant, c’est là d’où je parle.
Emmanuelle Bec, 2023
[2023] collaborations - écrits : Le texte pourrait commencer comme cela, Revue Irreverent XIV Bruits, p40-45. Illustrations Flore Kunst
Co-écriture de chansons https://soundcloud.com/cucu-et-praline
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